Élection du Président de la République : le Gweta de Faure Gnassingbé

Le Togo a tourné une nouvelle page de son histoire politique ce samedi 3 mai 2025. Réunis en congrès à l’hémicycle du pavillon annexe de l’Assemblée nationale, députés et sénateurs ont élu Jean-Lucien Savi de Tové président de la République. À 85 ans, l’ancien ministre et vétéran de la vie politique togolaise incarne, aux yeux du pouvoir, la figure de rassemblement nécessaire pour accompagner la délicate transition institutionnelle ouverte par l’adoption de la nouvelle Constitution en 2024.

Son élection, proposée par l’Union pour la République (UNIR), parti majoritaire et seule formation habilitée à présenter une candidature, revêt une forte portée symbolique. Pour la première fois, un membre de l’ethnie éwé accède à cette fonction suprême, certes largement vidée de ses prérogatives exécutives, mais investie d’un rôle d’arbitre moral dans la nouvelle architecture de la Ve République. L’élection au suffrage universel ayant été supprimée par la réforme constitutionnelle, c’est désormais le Parlement qui désigne le président de la République.

Avec cette élection, Faure Gnassingbé et le parti Unir déjouent tous les pronostics des uns et des autres. D’ailleurs aucune candidature féminine n’a été proposée alors qu’une femme était pressentie être élue. Il est également à noter qu’aucune femme n’occupe une place de pouvoir comme ce fut le cas dans la IVe République.

Qui est l’homme ?

Originaire de Mission Tové, Jean-Lucien Savi de Tové est né à Lomé le 7 mai 1939. Docteur en sciences politiques de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, il est le fils d’une figure historique du Togo indépendant, ancien président de l’Assemblée nationale. Toute sa vie, il a traversé les grandes séquences politiques du pays. Incarcéré en 1979 sous le régime de Gnassingbé Eyadéma pour tentative de complot, il fit de cette épreuve un fondement de son engagement pour l’État de droit. Ministre du Commerce dans les années 1990, il joua un rôle de premier plan lors de la Conférence nationale souveraine de 1991, plaidant pour la réconciliation nationale et une profonde refondation de l’État.

Le 22 mars 1993, au cœur d’une transition chaotique, l’opposition le désigna pour remplacer Joseph Kokou Koffigoh, Premier ministre destitué par le parlement de transition (HCR). Mais l’histoire en décida autrement, et Sanvi de Tové ne parvint jamais à prendre ses fonctions. Fondateur de la Convention des Peuples pour le Progrès (CPP), cofondateur de la Convergence Patriotique Panafricaine aux côtés d’Edem Kodjo, il a toujours choisi la voie du dialogue et de la modération face aux tensions politiques.

Sa désignation respecte les critères qu’il faut pour être un Président de la République dans la Ve République. Dans un pays où la stabilité reste fragile, son profil rassurant, sa capacité à transcender les clivages et son autorité morale expliquent largement ce choix stratégique opéré par le pouvoir. En marge de ses activités politiques, il s’est aussi investi dans la promotion du sport et de la culture, notamment en tant que secrétaire général du Comité National Olympique du Togo (CNOT), défendant avec constance les valeurs éducatives du sport.

Avec cette élection, le Togo inaugure un nouveau modèle institutionnel où le président de la République, privé de pouvoirs exécutifs, demeure toutefois un garant des équilibres de la Nation. Jean-Lucien Savi de Tové devient ainsi, pour la postérité, le premier président de cette Ve République naissante.

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