Au Togo, les lendemains des manifestations spontanées du 6 juin 2025 à Lomé sont marqués par une vive polémique. Le front citoyen « Touche Pas à Ma Constitution », coalition de partis politiques de l’opposition et d’organisations de la société civile, dénonce ce qu’il qualifie de « répression ciblée » après les arrestations survenues dans certains quartiers de la capitale. Dans un communiqué rendu public le 7 juin, le mouvement appelle à la libération immédiate des personnes interpellées et fustige une « dérive autoritaire persistante du pouvoir ».
Ces rassemblements, essentiellement portés par des jeunes et inspirés par des artistes togolais de la diaspora, visaient à dénoncer « la cherté de la vie, la restriction des libertés publiques et les dérives institutionnelles », dans un climat politique toujours tendu depuis la révision constitutionnelle d’avril 2024, vivement contestée dans une partie de l’opinion publique. Bien que sporadiques et annoncées pacifiques, les manifestations ont rapidement été dispersées par les forces de l’ordre, qui auraient procédé à de nombreuses arrestations.
Parmi les personnes arrêtées figurent plusieurs figures connues de la jeunesse togolaise : Bandiagou Damtougiba Bertin, activiste étudiant engagé ; Woamenon Koffivi, militant local ; Fowu Akoesso, défenseur des droits humains ; Koundé Gildas, créateur de contenus très suivi sur les réseaux sociaux ; Bikoni Koumayi, sage-femme et militante politique ; Assiou Désiré, doctorant à la Faculté de pharmacie de l’Université de Lomé ; ainsi que le Dr Hounou-Adossi Firmin, médecin et entrepreneur communautaire. « Leur seul crime ? Avoir dit NON à la vie chère, à la mauvaise gouvernance, aux restrictions de nos libertés et à la confiscation de la démocratie », s’indigne le communiqué du front.
Selon les témoignages recueillis par le regroupement, plusieurs de ces interpellations se seraient déroulées dans des conditions brutales, souvent devant témoins, parfois au domicile des personnes concernées. Ces méthodes, estime le front, traduisent une volonté claire de faire taire les voix dissidentes. « Le pouvoir a choisi la matraque au lieu du dialogue, la répression au lieu de l’écoute », affirme le texte.
L’organisation appelle les familles dont les proches ont été arrêtés ou sont portés disparus à se signaler. Deux numéros de téléphone ont été mis à disposition pour recueillir les informations : +228 90 36 12 47 et +228 98 75 72 47. « Chaque arrestation doit être documentée. Chaque disparu doit être retrouvé. Le silence est complice de l’oppression », alerte le front, qui se dit prêt à saisir les instances internationales de défense des droits humains.
Pour l’heure, les autorités togolaises n’ont fourni aucune explication officielle sur ces arrestations ni communiqué le nombre exact de personnes concernées. Cette absence de réaction accentue le climat de tension politique déjà alimenté par les critiques autour de la récente réforme constitutionnelle, perçue par certains observateurs comme une consolidation du pouvoir en place.
Ce regain de tension survient également dans un contexte socio-économique difficile, où l’inflation galopante, le chômage des jeunes et la montée du sentiment d’exclusion alimentent une frustration croissante au sein de la population. Depuis plusieurs mois, des désirs de protestation se multiplient, souvent interdits par le pouvoir de Lomé, donnant la mesure d’un malaise profond.
Le front « Touche Pas à Ma Constitution » annonce vouloir maintenir la pression. Il dit envisager d’autres formes de mobilisation citoyenne dans les jours à venir et demande à la communauté internationale de rester vigilante face à ce qu’il décrit comme « une dérive inquiétante des autorités togolaises ».