Togo : France 24 et RFI suspendues pour trois mois par la HAAC, les raisons

Au Togo, les autorités de régulation de la presse ont décidé de frapper fort. Réunis en séance le 16 juin 2025, les membres de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) ont prononcé une suspension de trois mois à l’encontre de France 24 et de Radio France Internationale (RFI), deux médias français de renommée internationale. Une décision exceptionnelle, prise selon l’institution, au regard de « manquements graves et répétés » constatés dans le traitement de l’actualité togolaise par ces chaînes.

La HAAC reproche aux deux médias d’avoir, à plusieurs reprises, diffusé des informations jugées tendancieuses, inexactes, voire contraires à la réalité des faits, avec pour conséquence, selon elle, de porter atteinte à la stabilité des institutions togolaises. « Plusieurs émissions ont relayé des propos inexacts, tendancieux, voire contraires aux faits établis, portant atteinte à la stabilité des institutions républicaines et à l’image du pays », précise la décision rendue publique.

Cette mesure intervient dans un contexte sociopolitique tendu, marqué notamment par les manifestations du 5 et 6 juin contre la récente réforme constitutionnelle et la gouvernance nationale. Dans cette période d’agitation populaire, France 24 et RFI ont couvert les événements, donnant la parole à divers acteurs de la société civile et de l’opposition. Ce traitement de l’information n’a manifestement pas été du goût de la HAAC, qui évoque un non-respect des principes de rigueur, de vérification des faits et d’impartialité journalistique.

L’autorité de régulation estime que ces médias ont outrepassé les limites du journalisme responsable. Elle rappelle dans son communiqué que « le pluralisme des opinions n’autorise pas la diffusion de contre-vérités ni la présentation partiale de l’actualité ». Selon elle, la liberté de la presse ne doit en aucun cas être confondue avec la désinformation ou l’ingérence dans les affaires internes du pays.

Cette décision relance, une fois de plus, le débat sur l’état de la liberté de la presse au Togo. Le gouvernement, à travers la HAAC, affirme réaffirmer son attachement à « une presse libre, responsable et professionnelle, au service de l’information juste et équilibrée ». Mais pour nombre d’observateurs, cette suspension s’ajoute à une série de restrictions imposées aux médias et aux journalistes ces dernières années. L’exemple de la correspondante de TV5 Monde, Flore Monteau, interpellée le 6 juin dernier et contrainte de supprimer ses images des manifestations, illustre les tensions croissantes entre autorités et presse internationale.

D’après le classement 2025 de Reporters Sans Frontières, le Togo a perdu trois places en matière de liberté de la presse, tombant au 116e rang mondial. L’organisation avait déjà pointé « une augmentation des pressions sur les journalistes indépendants et les correspondants étrangers ». En mars 2024, l’Observatoire de la liberté de la presse en Afrique avait exprimé son inquiétude quant à « l’usage de mesures administratives pour entraver la diffusion de contenus critiques vis-à-vis des autorités ».

La suspension de France 24 et RFI n’est pas une première sur le continent. Le Burkina Faso, le Niger ou encore le Mali ont également pris des mesures similaires à l’encontre de ces deux médias, leur reprochant des biais éditoriaux dans la couverture des crises internes.

En attendant la fin de la période de suspension, les fréquences de France 24 et RFI resteront muettes sur le territoire togolais. Une décision que la HAAC justifie par la nécessité de « préserver l’ordre public, la cohésion nationale et la dignité des institutions ».