À un mois des élections municipales prévues pour le 17 juillet 2025, le gouvernement togolais place la chefferie traditionnelle au cœur du processus de paix et de cohésion sociale. Le ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la chefferie coutumière (MATDCC), Awaté Hodabalo, a lancé le lundi 16 juin à Dapaong une tournée nationale de sensibilisation des chefs traditionnels, une initiative qui vise à outiller ces acteurs clés pour accompagner le processus électoral dans la sérénité.
En ouvrant officiellement les travaux, le ministre a rappelé que les périodes électorales sont souvent des moments propices à la montée des tensions. « Le 17 juillet 2025, le peuple togolais ira aux urnes dans le cadre des élections municipales en vue de l’élection des conseillers municipaux. Les périodes électorales sont souvent des moments où la passion prend le dessus sur la raison. C’est également des moments de tension, d’intoxication, d’agitation sous diverses formes et de manipulation surtout de la jeunesse », a-t-il déclaré devant un parterre de chefs traditionnels, préfets, maires et autres autorités locales.

Il a ensuite interpellé son auditoire sur leur responsabilité morale et sociale en tant que garants de la paix : « En ces périodes sensibles des élections, quel rôle doit jouer le chef traditionnel dans sa communauté en sa qualité de garant de la paix, de la sécurité et de la cohésion sociale ? »
C’est à travers cette interrogation que s’inscrit la démarche du gouvernement : mobiliser et responsabiliser les chefs traditionnels dans la prévention des conflits et la préservation de la stabilité sociale. La tournée s’étendra sur cinq jours, du 16 au 20 juin 2025, et passera par les cinq chefs-lieux de région : après Dapaong (16 juin), la délégation gouvernementale mettra le cap sur Kara (17 juin), Sokodé (18 juin), Atakpamé (19 juin) et Tsévié (20 juin).
La chefferie traditionnelle est régie par la loi n°2007-002 du 8 janvier 2007 et son décret d’application n°2016-028/PR du 11 mars 2016. Mais comme l’a reconnu le ministre Awaté, « ces textes peuvent être améliorés au vu des leçons apprises et des difficultés découlant de leur application ». Parmi les défis identifiés figurent la modernisation des pratiques, la gestion des désignations, les contestations de successions et les exigences éthiques et professionnelles croissantes dans un monde en mutation.
Dans le contexte de la Ve République prônée par le président du Conseil, Faure Gnassingbé, il est question de redéfinir le rôle de la chefferie pour l’ancrer davantage dans les mécanismes de gouvernance locale. À Dapaong, le ministre Awaté Hodabalo a résumé les objectifs de cette réforme : renforcer le rôle des chefs dans la stabilité institutionnelle, assainir la gestion des successions, promouvoir l’équité, moderniser l’institution, mais aussi créer un véritable partenariat entre chefferie et autorités administratives.
Les participants à cette première étape de la tournée ont assisté à trois communications majeures. La première, assurée par Wazabalo Massimlawé, chef de division au MATDCC, a porté sur « Les contributions des conseils nationaux, régionaux et préfectoraux à une meilleure gestion de la chefferie traditionnelle ». La deuxième, présentée par le commissaire divisionnaire Vondoly Kodjo, directeur de la chefferie traditionnelle, a exploré les « rapports entre les conseils de la chefferie traditionnelle et les autorités locales ». Enfin, Dr Balle Lotiye, conseiller juridique au cabinet ministériel, a clôturé la série avec une intervention intitulée : « La chefferie traditionnelle dans la 5ème République ».
Les échanges ont permis aux chefs de formuler des recommandations fortes. Le président du conseil régional de la chefferie des Savanes, Oudanou-Dobli Oumorou, a plaidé pour une relecture de la loi de 2007 afin de l’adapter aux réalités actuelles. Il a également relayé les préoccupations de ses pairs concernant l’uniformisation et la régularité du paiement des indemnités aux chefs traditionnels.

Au-delà des textes, c’est la reconnaissance du rôle de la chefferie comme acteur du développement local qui a été mise en avant. Le gouverneur de la région des Savanes, Atcha-Dédji Affoh, s’est félicité du choix porté sur Dapaong pour accueillir le lancement. Il a exprimé l’espoir que cette rencontre soit « le point d’ancrage d’un processus qui puisse aboutir à une meilleure gestion de la chefferie traditionnelle afin que celle-ci soit un pilier d’affermissement et d’accompagnement de la démocratie à la base ».
Cette tournée nationale s’inscrit dans une dynamique d’anticipation et de prévention, une volonté politique de pacifier le climat sociopolitique à l’approche des élections, dans un contexte marqué par des troubles sociopolitiques.
