Les dernières actualités relatives à la situation préoccupante des migrants africains a relancé la sortie des panafricains rappelant les origines et les approches de solution à ce fléau nommé, l’hémorragie migratoire. Des « initiatives à résultats rapides », voilà ce que propose la Sénégalaise, Cécile Thiakane dans une Tribune publiée jeudi 07 juillet par le journal FinancialAfrik.
A l’entame de son article, la panafricaniste fait constater que “Notre continent saigne et nous regardons ailleurs. Chaque jour, nos jeunes meurent en mer et dans le désert du Sahara en fuyant l’Afrique et leur quotidien obscurci par la misère. Ainsi, l’Afrique est amputée de son avenir, vidée de ses jeunes, de sa force vive “, à cause d’un choix migratoire.
Pour Cécile Thiakane, des assises africaines s’imposent pour “adresser cet épineux problème de l’immigration clandestine de manière idoine et durable” en vue de “stopper l’hémorragie migratoire”; Autrement, “Le coût historique, politique, moral et socio-économique sera démentiel” et “nous le payerons tous, car nous sommes complices de cette hémorragie. Ne pas agir n’est plus permis !”.
Récents événements
Dans son développement, la responsable du Laboratoire en innovation sociale et environnementale et RSE, a passé en revue certains événements en lien avec la migration africaine.
D’abord, “Ce mois de juin 2022 s’est terminé avec un douloureux constat, des cadavres de jeunes africains entassés à même le sol à Melilla. Ceuta et Melilla, ces deux enclaves espagnoles sont devenues des mouroirs ou prennent fin les rêves d’une jeunesse africaine qui se meurt à petit feu”; Ensuite, “Comment ne pas se rappeler de cette femme enceinte en début 2020 qui a accouché pendant la traversée entre l’Afrique et les Canaries à bord d’un canot pneumatique chargé de 43 personnes, dont cinq mineurs, ou de ce garçon de 15 ans en novembre 2020 embarqué par son père et qui avait péri en mer“; Et enfin, “Comment ne pas être meurtri par la vague meurtrière de novembre 2020 qui avait englouti beaucoup de nos jeunes.”
Aussi, faut-il le rappeler, que d’après une publication sur Twitter le samedi dernier, l’une des porte-parole de l’Organisation internationale des migrations (OIM) rapportait que 22 africains essentiellement maliens, ont péri dans la Méditerranée, après 9 jours en mer sans assistance. 61 rescapés de la même embarcation, avaient été sauvés le vendredi 1er juillet mais se trouvaient dans un état grave et souffrant de déshydratation et d’hypothermie.
Parmi ceux-là qui furent chanceux d’être sortis indemnes de cette périlleuse aventure de rallier, l’Europe, « combien vont réaliser leur rêve ? Combien vont échouer et se retrouver dans les travers de la vie de migrants sombrant dans la précarité en Europe et y laisseront leur dignité ?…”, interroge-t-elle.
Des liens de causalités évidents
Pour cette consultante en ODD 11, cette situation est la résultante de plusieurs causes, certainement connues de tous et qui “directement ou indirectement impactent leur trajectoire et motivation”.
Le fléau s’explique entre autres par, la crise alimentaire (diminution des terres cultivables, infertilité des sols, changements climatiques, déficit de stockage et transformation des produits agricoles, le secteur de l’élevage sinistré. La pêche devenant de plus en plus infructueuse et le poisson se raréfiant à cause “des navires de pêche étrangers auxquels les autorités publiques octroient des licences de manière gracieuse”.
Mais aussi par, la crise climatique qui sévit au Sahel qui “a sinistré beaucoup de régions sahéliennes occasionnant une crise alimentaire d’envergure, ce qui constitue une menace sérieuse pour la survie des couches les plus précaires dans ces régions” ; par la crise démographique qui “pourrait encore s’accentuer, avec son contingent de défis pour les Etats : nourrir, loger, soigner, transporter, donner un travail décent à une population qui ne cesse de croître surtout dans nos zones urbaines et péri urbaines” ; Une crise éducative et «crise morale» avec “une population jeune, dont certains n’ont pas eu la chance de prendre un bon départ dans la vie. Ils n’ont pas été scolarisés ou maintenus à l’école pour acquérir les compétences et les outils nécessaires pour une insertion dans le tissu économique qui peine d’ailleurs à générer des emplois décents pour cette jeunesse. Une jeunesse désœuvrée, sans marqueurs moraux pour certains qui n’arrivent pas toujours à faire la part des choses et une priorisation sensée” ; et surtout, une crise sécuritaire “due en partie à l’instabilité politique et sociale dans certaines régions, laquelle combinée aux changements climatiques contribue à créer des « terrains fertiles » à la radicalisation pouvant mener à un extrémisme violent.”
Rappelant l’adage qui dit qu’un ventre vide n’a point d’oreille, Cécile Thiakane fait remarquer que “tant que les gens auront faim ou feront face à des urgences de survie, rien ne les empêchera de migrer vers les pays dans lesquels ils croient qu’on ne connaît ni la faim, ni les autres maux de leur quotidien. Il est tout simplement question de survie et c’est naturel pour un humain de chercher à survivre.”
Initiatives à résultats rapides
Pour remédier à cette hémorragie migratoire, elle propose un “Plan d’action” qui constituera à faire recours aux “initiatives à résultats rapides”. Au nombre de celles-ci, l’auteure de cet article souligne d’ores et déjà d’esquisser les bases d’un plan d’urgence, “qui ne serait pas dicté par des puissances étrangères”, mais “bel et bien conçu par et pour les populations” du continent. Mais en attendant, l’activiste exhorte les décideurs à tous les niveaux (du niveau familial au niveau international en passant par le communautaire, national, professionnel, religieux…), à “agir en amont pour informer, sensibiliser et conscientiser les populations sur les dangers de ce choix d’immigration et faire émerger des alternatives faciles à déployer” pour entrer dans une dynamique de cercles vertueux permettant de sortir de l’impasse ; Lancer et piloter des actions à fort impact sur le long terme comme des caravanes citoyennes, “conscientiser sur le fait qu’en mutualisant tout cet argent investi pour rallier l’Eldorado européen, elles pourraient créer de la valeur au sein de leurs communautés et ainsi générer des emplois décents” ; Démanteler les réseaux mafieux et toutes leurs ramifications “qui profitent de la misère et du désespoir de ces jeunes pour s’enrichir” ; “Accentuer la surveillance des côtes pour jouer les garde-fous” ; Sans omettre d’assurer une meilleure gouvernance des richesses et ressources du continent, une meilleure allocation des deniers publics et une meilleur priorisation. “Etablir les fondations d’une coopération win-win aux fins de s’extraire de ce cercle vicieux de l’assistanat des pays occidentaux et exploiter nos richesses au bénéfice de nos populations”, a-t-elle renchérit.
De fait, “cela pourrait changer les mentalités à la racine et déclencher un phénomène de cercles vertueux en cascade”.
Il faudrait en outre mettre en place des actions spécifiques d’envergure visant à rendre plus attractifs et plus productifs les territoires pour la jeune population en perdition. On peut en noter :
– Remettre l’agriculture et l’élevage au cœur de la vie des territoires locaux en dynamisant les zones rurales avec des activités économiques pour améliorer les conditions de vie et faire le pari d’une agriculture productive, durable et respectueuse de l’environnement ;
– Eduquer et former les jeunes afin d’en faire un capital humain de qualité à même d’accompagner le développement et le bien-être de nos populations de façon concomitante.
A ces fins, il serait stratégique de “choisir en amont les filières où nos pays gagneraient à se spécialiser pour être compétitifs dans ce contexte de mondialisation”. Selon elle, l’Afrique doit adresser différents défis : “s’inscrire dans une agriculture durable afin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire tout en préservant l’environnement”, “s’industrialiser pour inverser la courbe de nos échanges commerciaux”, “former du capital humain pour réussir sa transformation numérique et s’arrimer à ce train”, “aborder avec succès sa transition énergétique”.
Toujours dans cette démarche de la formation d’un capital humain de qualité, “les états ont également besoin d’adresser le problème lié au déficit entrepreneurial mais aussi à l’innovation et à leur financement”.
Cécile Thiakane préconise enfin, “une réponse endogène” pour éviter durablement que les projets et l’espoir portés par ces jeunes ne se perdent dans les tiroirs de leurs seuls rêves ou engloutis dans les flots de l’océan.
Y. S.