ASSAINISSEMENT: La gestion des eaux usées, un véritable casse-tête chinois

Dans le Grand-Lomé, la grande partie de la pollution de l’eau est liée aux eaux usées domestiques. Elles sont principalement issues du rinçage des toilettes pour les logements et les bureaux. Mais leur acheminement, leur gestion (élimination ou  traitement) souffre de plusieurs carences au Togo. La gestion des eaux usées a un impact environnemental important (énergie, produits chimiques, pollutions diffuses par infiltration, etc.) qui peut être limité par une gestion alternative efficiente.

Conscient de l’ampleur de cet enjeu environnemental, M. Hodabalo Keith Kelewou, Docteur en traitement des eaux et enseignant à l’ESTBA (Université de Lomé), a confié à Vert-Togo que dans le domaine de l’assainissement, deux variantes sont identifiables. D’une part, l’assainissement collectif (AC) et de l’autre, l’assainissement non collectif (ANC). De fait, l’assainissement collectif qu’on appelle encore le “tout à l’égout” consiste à transporter toutes les eaux usées domestiques urbaines vers un lieu de rejet, un centre de traitement à travers les égouts qui sont connectés directement aux bâtiments. Alors, la question qui demeure est : “pourquoi la gestion des eaux usées est-elle si compliquée pour l’heure au Togo ?”

 

Gestion des eaux usées : entre problèmes et solutions !

L’ancienne ville de Lomé dispose d’un système dont certains de ses déversoirs se remarquent au niveau de la plage. « L’assainissement non-collectif ou individuel est le système qui est utilisé au Togo. Il s’agit d’envoyer les eaux noires et grises vers un puisard et une fosse septique ; et faire par la suite une vidange soit manuelle ou soit à l’aide d’un camion vidangeur. Le grand souci pour la mise en œuvre d’un assainissement collectif est d’abord financier et foncier. Réussir l’assainissement collectif, c’est aussi faire un lotissement avec la mise en place des voiries et réseau divers. », explique-t-il.

Selon lui, le  problème foncier est également une des causes majeures de la mauvaise gestion des eaux usées. En effet, au Togo la terre appartient aux collectivités locales qui en vendent selon leurs bons vouloirs et le lotissement se limite juste à la délimitation des lots. Or, le lotissement devrait permettre normalement l’acheminement dans le périmètre indiqué de tous les services de base à savoir l’eau, l’électricité et les égouts pour l’évacuation des eaux usées. «  Si la terre appartenait à l’État, les retombées financières issues de la cession des terrains serviront à amener dans la zone, tous ces services et régler non seulement le problème de l’assainissement, mais aussi les services de base. (…)

Mais, poursuit-il, le problème « (…) est aussi d’ordre financier parce que lorsqu’on consomme une quantité d’eau, on rejette une quantité équivalente d’eau usée. L’État devrait construire des stations de traitement d’épuration des eaux usées (STEP) pour traiter lesdites eaux avant leur rejet dans la nature. Faute de moyens, le projet de construction d’une STEP traîne à démarrer depuis plus de 5 ans. », déplore le Professeur d’Université.

Toujours selon lui, l’État pourrait trouver des ressources internes pour construire et gérer une telle infrastructure. « Si on mettait en place un forfait sur les factures de la TdE pour l’assainissement liquide comme il en existe dans la plupart des pays, cela pourrait résoudre beaucoup de problèmes en termes de mobilisation des ressources internes. Plus on consomme de l’eau, plus on en rejette et il faudrait contribuer financièrement au traitement de ces eaux ».

Pour le Dr Hodabalo Keith Kelewou, « l’option de l’assainissement non collectif (ANC) est l’une des raisons qui poussent ces ménages à connecter leurs eaux noires (toilettes + ménages) vers les égouts alors que ces égouts sont destinés à l’évacuation des eaux de ruissellement. Le second souci que nous avons au Togo, c’est le manque d’infrastructures pour le traitement des boues de vidanges issues de l’ANC. Il faudrait aux communes avec l’accompagnement de l’État, structurer le secteur de la vidange des boues, trouver des financements à travers une taxe déjà existante ou nouvelle pour créer des centres de décharges contrôlées des boues de vidanges et aussi des infrastructures de traitement et de valorisation de ces boues. »

 

Les eaux usées : le casse-tête ?

Les eaux usées de manière globale peuvent être scindées en deux catégories à savoir les eaux usées domestiques – urbaines et les eaux usées industrielles. Ici, il est plus question de la gestion des eaux usées domestiques (urbaines). Les eaux usées domestiques (urbaines) sont les eaux issues des ménages et des institutions, services ou entreprises qui diffèrent des eaux de process.

En ce qui concerne les eaux de ruissellement, les aménagements des bassins de rétention avec les caniveaux de drainage de ces eaux, permettent de résoudre et de mieux gérer ces eaux. Ce que la population doit savoir, ces infrastructures ne sont pas construites pour recevoir les eaux issues des ménages. Les bassins de rétention se trouvent dans les agglomérations, en y injectant ou connectant les eaux des ménages comme le font certains, cela entraînera de ce fait un déséquilibre biologique au sein des bassins et ainsi nous aurons des problèmes d’odeurs au niveau des lieux d’habitations. C’est dans cette optique que l’Agence Nationale pour l’Assainissement et la Salubrité Publique (ANASAP) a entamé des sensibilisations ainsi que des procédures de sanction à l’encontre des ménages qui s’adonnent à ce genre de comportement proscrit.

Sur l’interpellation des communes à s’impliquer davantage dans la résolution de cet enjeu environnemental, le Dr Keith indique que  les communes ont été installées  en septembre 2019, et donc c’est maintenant qu’elles  commencent par appréhender l’étendue de leurs tâches pour permettre aux populations d’avoir un cadre de vie sain.

« Elles auront besoin d’accompagnement, de formation pour mener à bien ce travail titanesque et je pense que l’Agence nationale d’assainissement et de salubrité publique (ANASAP), a déjà entrepris quelque chose dans ce sens. L’exemple de la réorganisation avec succès du secteur des déchets solides pourrait servir de base pour ce travail, permettra de régler le problème des boues de vidanges et ainsi éviter aux ménages de connecter leurs eaux à celles des égouts ».

À terme, les communes devraient mettre en place des normes pour que chaque habitation puisse disposer des toilettes et multiplier aussi des toilettes publiques afin de permettre à ceux qui n’en ont pas de pouvoir faire leurs besoins tout en respectant les conditions d’hygiène. « Nous  devons aller un jour vers le principe de pollueur-payeur avec des amendes dissuasives pour éviter le déversement des eaux noires vers les bassins de rétention. », propose-t-il.

 

Le combat du ministère de l’environnement…

Au ministère de l’environnement et des ressources forestières, il est aujourd’hui plutôt question d’une étude de faisabilité technique de lutte contre le problème de déversement des eaux usées à la plage de Lomé.

L’étude consiste à assurer  l’actualisation  des  études existantes en vue de régler le problème d’ensablement des égouts et de la pollution de la plage et de la mer par les eaux usées. Une mission est à cet effet attendue  dans le courant de ce premier trimestre (ndlr : de l’année 2021) pour : identifier et préciser les priorités d’aménagement d’ouvrages ; définir les caractéristiques  et  le  fonctionnement  des ouvrages ; proposer les dimensionnements ; les plans et l’étude hydraulique ; définir les options et les variantes; faire les estimations sommaires des coûts de réalisation et d’entretien ; et faire des recommandations. La durée de cette mission est de cinq (05) mois.

 

Hector Nammangue (vert-togo.com)

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