Crise Mali-Algérie : la CEDEAO sort de son silence

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a exprimé sa vive inquiétude face à la montée en flèche des tensions diplomatiques entre le Mali et l’Algérie, appelant les deux pays à privilégier la voie du dialogue. Dans un communiqué rendu public ce jeudi, l’organisation régionale exhorte Bamako et Alger à « désamorcer la tension » et à recourir aux mécanismes de médiation régionaux et continentaux pour éviter une dégradation plus profonde de la situation.

Cette prise de parole, inhabituelle s’agissant d’un conflit impliquant un État non membre – l’Algérie – traduit la gravité de la crise actuelle et les répercussions qu’elle pourrait engendrer sur une sous-région déjà fragilisée par l’instabilité sécuritaire. L’alerte de la CEDEAO intervient au lendemain de la fermeture réciproque des espaces aériens par les deux pays, une décision qui a fait suite à un incident frontalier survenu le lundi 7 avril, lorsque les autorités maliennes ont affirmé qu’un de leurs drones avait été abattu par la défense algérienne.

La riposte a été immédiate. Les trois membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Mali, Niger et Burkina Faso – ont rappelé leurs ambassadeurs en poste à Alger pour consultations. En retour, l’Algérie a suspendu la prise de fonction de son nouvel ambassadeur au Burkina Faso et a rappelé ses représentants diplomatiques du Mali et du Niger. Un enchaînement de gestes forts, porteurs de tensions lourdes de conséquences diplomatiques dans une région déjà mise à mal par les défis sécuritaires.

Ce bras de fer diplomatique met sérieusement en question le rôle historique de médiateur que revendiquait Alger au Sahel. L’Algérie, signataire et garante de l’accord de paix de 2015 entre l’État malien et les groupes armés du nord, a longtemps œuvré comme intermédiaire dans les pourparlers de paix. Mais depuis quelques mois, les autorités maliennes de transition, engagées dans une posture de rupture avec plusieurs partenaires internationaux, multiplient les critiques à l’égard de cette médiation. Bamako accuse Alger d’entretenir des liens opaques avec des groupes touaregs hostiles à l’État central – des accusations fermement rejetées par les autorités algériennes, qui dénoncent une campagne de dénigrement visant à ternir leur rôle.

La CEDEAO, bien que désormais délestée de trois de ses membres après la sortie officielle du Mali, du Burkina Faso et du Niger en janvier dernier, garde un œil attentif sur la stabilité du Sahel. Pour l’organisation régionale, la détérioration des relations entre Alger et Bamako pourrait impacter gravement la coordination sécuritaire transfrontalière, considérée comme essentielle dans la lutte contre les groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique. « Ces tensions ne peuvent que renforcer l’instabilité dans le Sahel », a déclaré un diplomate ouest-africain basé à Niamey, soulignant les risques liés à l’isolement grandissant des pays de l’AES.

Dans un contexte où la coopération militaire et sécuritaire est plus que jamais nécessaire, l’escalade actuelle inquiète au plus haut point. La CEDEAO, tout en rappelant « l’importance du dialogue comme outil de résolution pacifique des différends », appelle les parties à faire preuve de retenue. Elle mise également sur l’Union africaine et d’autres structures de médiation pour aider à ramener le calme et prévenir toute propagation des tensions.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *