Electricité : qu’est-ce-qui explique la réduction du nombre de Kwh sur le Cash Power ?

Depuis quelques jours, un vent de mécontentement souffle sur les réseaux sociaux et dans les quartiers populaires de Lomé comme de l’intérieur du pays. En cause, une réforme discrètement entrée en vigueur dans le mode de facturation de l’électricité prépayée au Togo. De nombreux abonnés du système « Cash Power », le compteur à prépaiement géré par la Compagnie Énergie Électrique du Togo (CEET), dénoncent une réduction soudaine et drastique du nombre de kilowattheures (kWh) obtenus après leurs recharges habituelles.

Derrière cette grogne, se cache une réforme technique mais lourde de conséquences pour les ménages modestes. Dans un communiqué récent, la CEET a annoncé une modification majeure dans le traitement des frais fixes mensuels pour les usagers équipés de compteurs à prépaiement. Jusqu’à présent, ces frais étaient prélevés de manière progressive à chaque recharge, permettant aux clients de lisser les coûts tout au long du mois. Désormais, l’intégralité des charges fixes sera déduite dès la première recharge du mois, quel que soit le montant payé. Cette réforme, présentée par la compagnie comme un moyen d’« améliorer la transparence » dans la facturation, a provoqué une onde de choc parmi les consommateurs.

Trois types de frais sont concernés : 500 FCFA pour l’entretien du branchement, 500 FCFA pour la location du compteur, et surtout 600 FCFA par kVA de puissance souscrite au titre de la redevance de puissance. Pour un foyer disposant d’un branchement domestique standard de 10 ampères, équivalant à 2,2 kVA, la redevance s’élève à 1 320 FCFA. Additionnés, ces frais fixes atteignent 2 320 FCFA par mois.

Le résultat est immédiat et visible. Un client qui recharge son compteur de 3 000 FCFA en début de mois voit 2 320 FCFA être automatiquement prélevés pour les frais fixes, ne laissant que 680 FCFA convertis en kWh. À l’échelle d’un ménage qui se débrouille au jour le jour, souvent avec de petites recharges de 500 à 1 000 FCFA, l’impact est brutal. Sur les réseaux sociaux, les témoignages affluent : « Avant, avec 1 000 FCFA, je pouvais tenir trois à quatre jours. Là, j’ai rechargé 2 000 FCFA et mon crédit est toujours à zéro », s’indigne un usager de Lomé. Une dame renchérit : « On dirait que c’est de l’arnaque. Même avec 5 000 francs, tu n’as plus rien. »

Certains usagers estiment ne pas avoir été suffisamment informés. « On nous impose ça sans aucune sensibilisation. Il a fallu que je recharge deux fois sans comprendre pourquoi je recevais si peu de courant pour commencer à chercher l’explication », se plaint un usager sur les réseaux sociaux. D’autres évoquent un « piège » pour forcer les pauvres à recharger en plus grandes sommes, chose difficile dans un contexte économique déjà tendu.

Pour la CEET, cette méthode permet une meilleure régularité dans la perception des redevances mensuelles, jusque-là difficiles à collecter de manière uniforme. Elle affirme aussi que cette réforme permet de clarifier la part des frais fixes dans la dépense mensuelle d’électricité. Mais cette justification peine à convaincre. « Cela ressemble à une manœuvre comptable sur le dos des consommateurs les plus fragiles », analyse un usager. « La brutalité de l’application, sans phase de transition ou de pédagogie, va surtout aggraver la précarité énergétique des foyers déjà en difficulté. »

Ce mécontentement intervient dans un climat social marqué par des hausses successives du coût de la vie : flambée des prix des denrées, stagnation des salaires, chômage des jeunes, et maintenant, une réduction perçue comme injuste des bénéfices du système Cash Power, qui avait pourtant été salué à son lancement comme un outil de contrôle et d’autonomie pour les ménages.

Alors que les autorités viennent d’entamer une nouvelle législature dans le cadre de la Ve République, plusieurs observateurs s’interrogent : cette réforme était-elle opportune maintenant ? Une chose est sûre, le malaise est palpable. Et le courant, lui, passe de moins en moins entre la CEET et les usagers.