Golfe 5: Silence toxique autour d’une décharge illégale à Attilamonou

La gestion des déchets demeure un véritable défi pour les pays du Sud, notamment en raison de l’urbanisation galopante et de la croissance démographique exponentielle observée ces dernières années. Bien que la création de l’Agence nationale de salubrité publique (ANASAP) ait permis d’améliorer partiellement la situation, la décentralisation progressive et l’érection des communes ont fait resurgir de nombreuses difficultés, notamment dans le traitement des ordures ménagères.

 

Il est 12h25 ce samedi. Brice suffoque dans sa chambre sous une chaleur accablante. Il aimerait prendre l’air sur la terrasse de sa maison tout en déjeunant. Mais l’odeur nauséabonde qui envahit sa cour et les rues voisines l’en dissuade. Pire encore, des nuées de mouches s’abattent sur le repas soigneusement préparé par son épouse. Contraint, Brice retourne s’enfermer, préférant supporter la chaleur plutôt que de risquer une intoxication alimentaire.

 

Cette situation des plus désagréables symbolise à plus d’un titre depuis un an le quotidien des populations riveraines de la retenue d’eau en cours de construction par l’entreprise EBOMAF au quartier Apédokoè ou encore Atilamonou, où une décharge sauvage trône et dicte sa loi à tout le monde, à environ 300 mètres de la demeure de l’ancien député et maire de la commune Zio 4, Sego Etsè Franck. Et pourtant ce ne sont pas les plaintes des riverains à l’endroit des autorités compétentes qui ont manqué. 

 

Vue du dépotoir

En effet, La décharge a commencé à se développer après le déplacement d’une église d’un pasteur connu, installée sur le site prévu pour la retenue d’eau. Le projet n’avançant pas, des ordures ont rapidement envahi la zone, jusqu’à atteindre une superficie inquiétante à partir de mi-2024.

 

Le 11 novembre 2024, un riverain a adressé une plainte à la mairie de la commune du Golfe 5. Il y dénonçait l’installation d’une décharge en pleine zone résidentielle, avec les risques que cela comporte : pollution olfactive, contamination de l’air, du sol et de la nappe phréatique, ainsi que dangers sécuritaires.

Plainte de M. Essodina Bidjakare

 

Bien que la commune ait accusé réception et reconnu que la décharge se trouve sur son territoire, elle a renvoyé le dossier à la gouverneure du District Autonome du Grand Lomé (DAGL) le 24 décembre 2024 pour disposition à prendre. Depuis, plus rien. Un silence pesant.

 

Note de renvoi de la commune au Dagl

 

Un silence sépulcral incompréhensible

Le 22 janvier 2025, vingt-cinq familles riveraines ont déposé une nouvelle plainte, cette fois directement adressée à la gouverneure du DAGL. Mais là encore, aucune réponse, malgré les relances. Malgré les vas et viens incessants des plaignants aucune suite n’a été donnée au courrier depuis six mois. Silence radio.

« Aux dernières nouvelles, on nous a dit que la plainte a été transféré au niveau de la DST (Direction des Services Technique, Ndlr), mais nous n’avons aucun numéro de suivi et nous ne savons à qui nous adressé. On ne comprend plus rien dans cette histoire » peste un riverain.

 

 

Une bombe sanitaire et sécuritaire

Ce mutisme institutionnel inquiète profondément les résidents. Le quartier n’étant pas desservi par la Togolaise des Eaux (TDE), les habitants dépendent de forages individuels pour leur approvisionnement en eau potable. Une pollution de la nappe phréatique serait une véritable catastrophe sanitaire.

 

À cela s’ajoute l’aspect sécuritaire. En décembre 2024, une intervention des forces de l’ordre a permis de déloger des individus peu recommandables, consommateurs de drogues, qui s’étaient installés autour de la décharge. La présence de ce ghetto informel fait craindre aux riverains une recrudescence des cambriolages et autres délits. 

 

« Nous ne sommes pas en sécurité. Nous partons au travail déjà le matin et ne rentrons que le soir. Pendant ce temps, nos demeures sont sans protection que ces individus peuvent nous cambrioler et commettre des forfaits. C’est une situation vraiment compliquée ». 

 

Plainte des riverains de la retenue d’eau en construction

 

Ce qui choque le plus, c’est l’inaction des autorités, alors que des acteurs du secteur informel continuent d’alimenter cette décharge, dans un circuit bien organisé. Les précollecteurspaient leurs taxes à la mairie de Golfe 5, tandis que les collecteurs officiels continuent de desservir le site d’Aképédo. Le statu quo semble donc profiter à certains, au détriment de la santé et de la sécurité des populations.

 

Avec l’arrivée de la saison des pluies, la situation devient critique. Les risques d’épidémies, de maladies hydriques ne sont plus très loin. 

 

Il est urgent que la mairie de Golfe 5, en coordination avec le District Autonome du Grand Lomé, prenne les mesures qui s’imposent pour fermer cette décharge illicite. Car si rien n’est fait, c’est une véritable crise de santé publique qui se profile à l’horizon et qui risque d’être dommageable pour les riverains d’atilamonou.

L.P.