Il n’aura fallu qu’une pluie de dix minutes ce mercredi 11 juin 2025 pour plonger plusieurs quartiers de Lomé sous les eaux. À Totsi, Avedji, Adidogomé, Adidoadin et dans bien d’autres secteurs de la capitale, les habitants ont vu leur quotidien basculer une fois de plus sous la pression d’une eau qui s’infiltre partout, sans prévenir. Une scène désormais familière, presque banale, tant elle se répète chaque année avec une régularité désarmante.
Ce court épisode pluvieux, survenu en milieu de matinée, a suffi à transformer les rues en canaux, les trottoirs en torrents et les cours d’habitation en mares stagnantes. À certains endroits, des véhicules ont été immobilisés, des commerces envahis, et des maisons, à nouveau inondées.
« On a juste vu le ciel s’assombrir, et dix minutes plus tard, tout était sous l’eau », confie Mireille, vendeuse de nourriture à côté du marché d’Avedji, qui a dû écoper son étal à la hâte.

Ce désastre express n’est pas un phénomène nouveau. Depuis plusieurs années, les saisons pluvieuses ne sont plus synonymes de soulagement pour les cultures, mais plutôt de crainte pour les citadins, en particulier ceux résidant dans les quartiers les plus vulnérables. Malgré les nombreuses alertes, les reportages, les cris des populations et les engagements politiques annoncés à chaque veille électorale, la situation reste inchangée, voire s’aggrave.

Le constat est implacable : les ouvrages de drainage sont sous-dimensionnés ou bouchés, les canaux d’évacuation mal entretenus, l’urbanisation anarchique se poursuit, et les politiques d’assainissement, pourtant plusieurs fois annoncées, peinent à produire des effets tangibles. Les quelques initiatives locales de curage de caniveaux ou de sensibilisation à la gestion des déchets n’ont pas suffi à freiner l’engorgement.
« Rien n’a changé depuis 5 ans. On continue de vivre la même galère à chaque pluie », lâche avec amertume Komlan, habitant de Totsi non loin des pavés d’Adidoadin.

Les inondations récurrentes deviennent un véritable casse-tête pour les familles les plus modestes, qui voient leurs biens endommagés ou perdus à répétition, sans possibilité de recours ni solution durable. Pour ces citoyens, chaque goutte de pluie devient un présage d’angoisse.
« À chaque saison, on doit dormir debout. On ne sait jamais quand l’eau va arriver », témoigne Tina, à Adidogomé.
Alors que la capitale togolaise poursuit son expansion urbaine et que les changements climatiques rendent les épisodes pluvieux plus intenses et imprévisibles, les attentes d’une politique urbaine cohérente et ambitieuse se font pressantes. Le Plan national de développement (PND) muté entre-temps en Feuille de route gouvernementale et les différentes stratégies municipales évoquent pourtant la résilience urbaine comme priorité. Mais sur le terrain, les habitants ne perçoivent pas encore les fruits de ces ambitions.

Ce mercredi, encore une fois, Lomé a tangué, engloutie dans sa propre impuissance face à une pluie de dix minutes.
Une inquiétude sourde gagne les esprits. Si dix petites minutes de pluie ont suffi à provoquer autant de dégâts, que se passera-t-il lorsqu’il pleuvra une heure, plusieurs heures, voire toute une journée ? La saison des pluies ne fait que commencer, et déjà l’angoisse s’installe. Entre résignation et peur diffuse, les habitants vivent dans une tension constante, guettant le ciel avec appréhension. Le désarroi est palpable, la peur, bien que tue, omniprésente.