Ils sont les plus proches collaborateurs des avocats, arpentent les murs des tribunaux et fréquentent les auxiliaires de justice. Présents au four et au moulin, personnes à tout faire des avocats, leur personnel avec en toile de fond les clercs ne sont pas mieux lotis comme on pouvait le penser eu égard au train de vie princier de leurs employeurs. Et oui, il ne fait pas beau d’être employé dans un cabinet d’avocat au Togo. Incursion dans ce monde ou galère, pauvreté et misère ambiante ont élus domicile sous le regard malveillant de ces avocats bourreaux de leur personnel.
« Après avoir été clerc d’un avocat renommé de la capitale togolaise pendant 33 ans (1987), Patrick (nom d’emprunt) est décédé courant 2020 sans aucun contrat de travail, sans être déclaré à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), ni même un salaire décent. Il vivait dans une pièce durant tout ce temps et tombait régulièrement malade. Mais le patron n’a daigné lui venir en aide….jusqu’à ce qu’il ne décède dans le dénuement total». Ce témoignage glacial d’un clerc sur la vie d’un de ses confrères résume à suffisance le quotidien et la situation que traverse chaque jour que Dieu fait, les employés des cabinets d’avocats au Togo.
A l’exception de quelques rares ‘’ Société Civile et Professionnelle’’ (SCP) d’avocat, où le traitement salarial est acceptable pour les employés, le personnel des autres cabinets d’avocats tirent le diable par la queue.
Nantis d’une licence, d’une maitrise classique ou au mieux d’un master, ces collaborateurs d’avocats intègrent les cabinets comme stagiaire. La période de stage révolu, l’employeur garde silence et continue d’utiliser son « stagiaire » tant que celui-ci ne se décide pas à partir exacerbé par le travail et faute d’emploi meilleur. Alors, commence le calvaire des clercs et une exploitation à outrance par leurs patrons.
Pendant tout le temps que dure cette exploitation digne d’un esclavage des temps modernes, aucun contrat de travail n’est signé à l’employé, si ce n’est que des subsides qui lui sont versées main à main dans une enveloppe. Après plusieurs années de travail, la paye demeure toujours la même avec la billetterie comme système de paiement. Comment comprendre que le salaire de ces employés n’est nullement domicilié dans une banque afin de permettre à ces derniers de contracter des prêts. Et comme un malheur ne vient jamais seul, sans contrat de travail, pas de déclaration à la CNSS. En clair, l’après cabinet n’est pas assuré pour l’employé et à son décès, rien n’est versé à sa famille.
D’autres conditions de travail exécrables viennent grossir le lot du quotidien comme l’inexistence d’assurance malgré les risques de circulation que rencontrent ces employés dans l’exercice de leur profession, car faisant les navettes du cabinet vers les cours des tribunaux et vers les clients. Le plus narcissique est qu’aucun moyen de déplacement n’est offert à ces derniers qui mettent leurs engins personnels pour les courses de leurs bourreaux de patrons qui ne daignent même pas offrir du carburant pour les courses qu’il exige de son employé. C’est donc à croire que les employés de ces cabinets d’avocats sont des bêtes de somme pour leurs employeurs qui se donnent à cœur joie dans cette exploitation abusive, malgré l’opulence dans laquelle ils se prélassent et ceci au vu et au su du bâtonnier des avocats et des autres acteurs du corps judiciaire tous muets dans un silence assourdissants.
La question qui taraude l’esprit de tout observateur avisé est celle de savoir comment des hommes de droit, censés être du côté de la veuve et l’orphelin afin de donner l’exemple irréfutable d’une justice sociale et équitable pour tous, prompt à défendre les personnes en situations, peinent à offrir des conditions de vie acceptables à leurs plus proches collaborateurs ? Pourquoi tant d’insensibilité, de cynisme et narcissisme à l’endroit des personnes qui par leur dévouement donnent vie à la vision de leurs cabinets d’avocat ? Autant de questions qui n’ont pas trouvé réponses et qui ont obligé l’ensemble du personnel des cabinets d’avocats à s’unir pour créer le 13 février dernier, le Syndicat National du Personnel des Cabinets d’Avocats du Togo (SYPCAT) afin d’en finir une fois pour toute avec cette plaie qui ronge la profession. C’est donc dire que les employés des cabinets d’avocats veulent prendre leur destin en main et que rien ne sera plus comme avant. Nous l’espérons pour cette noble profession d’avocat qui ne doit pas être ternie par des situations indésirables comme celle de leurs employés.