Mois de la consommation locale: Le consommateur a-t-il un autre budget en octobre ?

Octobre est déclaré le mois du consommer local. Ce n’est pas une décision exclusive au Togo. En effet, c’est une initiative décrétée par les 8 États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), composée du Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, et le Togo. Ces pays sont soucieux de valoriser la production locale dans un contexte de prédominance des produits importés. Globalement, la consommation au sein de la zone est de plus en plus extravertie, et l’économie ouest-africaine profite peu de la croissance de la demande de son marché intérieur. Un mois entier pour stimuler le consommer local et consommer UEMOA, d’après cette initiative, devrait progressivement influencer les habitudes des consommateurs. Est-ce suffisant ?

Au Togo, une lettre circulaire du Premier ministre recommandant les achats d’aliments locaux aux administrations et entreprises d’État a été officialisée à cette occasion depuis 2020. Au cours des conférences et des fora à caractère national ou international, l’industrie agroalimentaire locale devrait être privilégiée. Au-delà de cela, l’Etat multiplie et encourage des salons et vitrines pour encourager la commercialisation et la consommation du made in Togo. Octobre 2021 marque la deuxième édition de cette initiative lancée en 2020, en plein désastre de la crise sanitaire mondiale ayant portée une restriction significative à tous les espaces de consommation massive des produits agroalimentaires.

Ici n’est pas le bilan. Quoiqu’on puisse comprendre que les retombées auraient été davantage plus retentissantes si Covid-19 ne fût pas.

Il n’y a pas que l’agroalimentaire

Dans tous les espaces d’expositions dédiés à la promotion des produits locaux, les entreprises agroalimentaires s’imposent. Qui pour le thé, qui pour un jus, de l’huile, des boissons, du chocolat, des farines et toute sorte de produits issue de la transformation des matières agricoles dans un effort remarquable d’amélioration du packaging (emballage). Les efforts des décideurs sont ouverts à tous les produits, quoique quand on parle de consommer local, certains consommateurs se limitent à la bouffe.

Il s’agit par exemple de consommer les produits et services locaux. Et en termes de services, c’est valable pour les petits marchés de services, par exemple privilégier l’expertise locale pour le développement d’un site internet plutôt que de se fier à des indiens et marocains qui sont sollicités par certains ministères auprès de qui s’enrichissent-ils au détriment des ingénieurs togolais.

Stimuler le consommer local en valorisant nos valeurs culturelles locales

Chaque culture porte en elle, un mode de consommation. L’exemple le plus frappant est le domaine de la mode et du vestimentaire. Alors que le Togo annonce une usine textile dans la Plateforme Industrielle d’Adetikopé (PIA), il est de bon ton de réfléchir au coton local et se questionner sur les pertes énormes liées à nos habitudes vestimentaires qui nous rendent éternellement dépendants de l’extérieur. Et même le pagne tant vanté par les occidentaux comme un tissu africain, n’est tissu africain que parce qu’on le dit. C’est un tissu fabriqué en Hollande aux couleurs vives dites d’Afrique. Ainsi, les funérailles, occasion de fêtes, mariages et anniversaires qui mobilisent des consommations massives de pagne ne font pas du consommer local, mais plutôt enrichissent en majorité que les industries hollandaises et chinoises qui en fabriquent la plus grande partie.

L’Afrique n’a du pagne que le tissé, appelé Kinté ou lokpo dans certaines langues locales. Ce tissu, aussi beau que résistant à toutes les conditions de températures (froid, chaleur), avait des modèles cousus en fonction de la responsabilité de chaque personne dans la société. Les rois et les notables qui peuvent être assimilés au gouvernement et autres autorités administratives avaient droit à des modèles spécifiques. Avec la modernité, on peut toujours rénover avec le même tissu.

Mais, il faudrait d’abord que les premières autorités du pays qui prennent l’initiative du consommer local adopte une position d’influence en adhérant elles-mêmes à la campagne. Combien sont-ils, ces membres du gouvernement au Togo qui peuvent justifier d’au moins 30% de leur garde-robe confectionnés et remplis de produits des artisans locaux ?

Même une année entière pour le consommer local ne serait pas suffisante

Tant que nos gouvernements se prêtent au jeu de la mondialisation, décréter un mois de consommer local ne suffit pas à donner au public, une préférence des produits locaux parfois plus cher sans forcément avec la meilleure qualité.

Pour que le poulet européen traverse des milliers de kilomètres pour arriver dans nos pays avec un prix 3 fois moindre que le poulet local, il n’y a pas que le paysan européen qui a mené cette bataille. Ces produits bénéficient d’une batterie de subventions étatiques à la production. Ensuite, c’est la politique du pays qui adopte un certain nombre de stratégies ouvrant les portes de l’international aux producteurs qui finissent bien souvent par nous vendre leurs poulets sans devoir payer grand-chose comme taxes à nos frontières. En clair, le coût de production, de transport sans oublier les taxes restent très souples pour ceux dont les produits sont prisés sur les territoires africains. Pendant que chez nous, lorsqu’on parle de promotion de l’entrepreneuriat et de l’industrie locale, l’Office Togolais des Recettes (OTR) et les municipalités tiennent les jeunes entrepreneurs en haleine dans un harcèlement inédit qui ne leur permet même pas d’avoir l’esprit au perfectionnement de leur produit.

Le même gouvernement qui dit promouvoir l’industrie locale, reste très souple à l’imposition des produits à l’importation, mais harcèle les jeunes producteurs locaux qui n’ont même pas encore de force de vente sur le marché. En résultat, on ne compte des entreprises locales qu’en termes de faire valoir et de statistiques pour justifier les investissements à l’entrepreneuriat. Pendant ce temps les jeunes producteurs et transformateurs locaux, eux-aussi se tuent à coups de fora et de conférence pour disent-ils, trouver des idées afin de promouvoir les produits locaux. Y-a-t-il de la magie ?

Un consommateur dont le pouvoir d’achat n’augmente jamais, une fois au marché, cherche le produit qui a une bonne apparence, mais revient moins cher pour satisfaire ses besoins. Il n’y a pas un budget magique en octobre où on ira au marché s’approvisionner rien qu’en produits locaux, quels que soient leur qualité et leur coût. En Octobre, c’est toujours le même consommateur et le même revenu. Alors, il faut réfléchir à d’autre solutions.

 

 

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