Un an après leur retrait de la CEDEAO, acté début 2025, les pays de l’alliance des états du sahel (AES) en l’occurrence le Niger, le Mali et le Burkina Faso, viennent de frapper un nouveau coup accentuant leur rupture avec toutes les institutions qu’ils trouvent en accointance et fortement influencées par l’ancien colonisateur, la France. En effet, les 3 pays dirigés par les hommes en treillis viennent de se retirer tour à tour de l’organisation internationale de la francophonie (OIF).
Le Mali, a annoncé son retrait de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), mardi 18 mars, au lendemain d’une annonce similaire de ses voisins et alliés nigérien et burkinabé en pleine Semaine de la langue française et de la Francophonie.
« Le Mali ne peut demeurer membre d’une organisation aux agissements incompatibles avec les principes constitutionnels (…) fondés sur la souveraineté de l’Etat », écrit le ministère des affaires étrangères dans une lettre : « Par conséquent (…) le gouvernement décide du retrait du Mali de l’Organisation internationale de la francophonie. »
Lundi 17 mars déjà, le Burkina Faso et le Niger, avaient annoncé leur retrait de l’organisation.
En effet, c’est par un courrier officiel que le Niger a confirmé son retrait de l’organisation. « Le gouvernement nigérien a décidé souverainement du retrait du Niger de l’Organisation internationale de la Francophonie », a notifié Laouali Labo, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, dans une lettre adressée aux représentations diplomatiques du pays.
Rupture consommée
Dans un communiqué conjoint diffusé mardi soir, les 3 pays laissent entendre par la voix des ministres des Affaires étrangères de l’AES que l’OIF, “au lieu d’accompagner ces pays dans la réalisation des objectifs légitimes de leurs peuples, (…) s’est illustrée par l’application sélective de sanctions sur la base de considérations géopolitiques et le mépris pour leur souveraineté”.
Elle est ainsi devenue “un instrument politique téléguidé”, souligne le texte. L’OIF avait suspendu les trois pays après les putschs qui y sont survenus. Le Mali avait été suspendu de l’OIF en août 2020, après un coup d’Etat militaire qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, à la tête depuis 2013 de ce pays sahélien plongé depuis des années dans une crise sécuritaire, politique et économique. L’organisation avait appelé à la libération du président Keïta, “ainsi qu’à la mise en place, dans les meilleurs délais, d’un gouvernement de transition conduit par une autorité civile”.
Situation similaire au Niger après le coup d’Etat du 26 juillet 2023 conduisant au renversement de Mohamed Bazoum toujours détenu par les nouvelles autorités. L’Organisation avait également suspendu le Niger tout en demandant la libération de l’ex président Bazoum.
C’est ainsi un nouveau cap franchit dans le « souverainisme » que clament ces 3 pays. Après la rupture sur les plans politique, diplomatique, militaire et économique hérités de la colonisation, les pays de l’AES viennent de confirmer le divorce avec Paris sur le plan culturel et linguistique.
L’OIF prend acte
Invitée sur le plateau du journal Afrique de TV5Monde, la directrice de la communication de l’OIF, Oria Vande Weghe est revenue sur le départ du Niger de l’organisation : “C’est une nouvelle que l’on déplore. On n’est jamais content d’apprendre qu’un membre quitte la famille. Néanmoins en tant qu’organisation nous sommes obligés de respecter la souveraineté des Etats et donc les choix que les Etats font” souligne-t-elle.
“Les pays sont souverains, je pense qu’il y a une période de 6 mois avant que ce soit effectif. Une fois que cela est effectif, ils ne sont plus membres”, ajoute Oria Vande Weghe.
Un sérieux revers
Ces trois pays, figurent parmi les premiers membres de l’OIF créée à Niamey au Niger le 20 mars 1970 sous l’impulsion de l’ancien président Hamani Diori du Niger, un des pères de la francophonie institutionnelle.
La Francophonie, qui réunit aujourd’hui 91 États et gouvernements et dont la mission repose sur la promotion de la langue française, de la diversité culturelle et des droits de l’Homme, voit ainsi son empreinte s’éroder dans une région longtemps considérée comme son bastion naturel. Un revers pour l’organisation, à l’heure où la contestation des anciens schémas d’intégration régionale ne cesse de prendre de l’ampleur au Sahel.
Seydou Badian avait vu juste
Alors qu’il était encore en vie, Seydou Badian Kouyate décédé le 28 décembre 2018 avait prédit la sortie du Mali, son pays, de cette organisation. 7 ans seulement après sa mort, c’est chose faite.
« Si la France ne révise pas ce que Sarkozy et Hollande sont en train de faire, dans 20 ou 30 ans, je serai loin mais le Mali ne sera plus du tout un pays francophone », avait déclaré de son vivant le vieil homme avisé.
Ecrivain, auteur de ‘sous l’orage’, un roman qui a été au programme dans plusieurs pays francophones, cette personnalité intellectuelle et politique de référence de la société malienne avait une forte conviction. Il est d’ailleurs celui qui disait que la démocratie a détruit le Mali. De son vivant, il n’a jamais vu la colonisation d’un bon œil. Voici ce qu’il disait à ce propos : « la colonisation est venue avec l’obscurité, l’éclipse. Elle a essayé de nous enlever notre passé. Si elle n’a pas pu nous enlever notre passé, elle l’a pratiquement mélangé. Elle en a fait une espèce d’amalgame. Elle nous a caché la partie qui pouvait nous intéresser, qui pouvait nous faire grandir et nous faire croire ».