Révision des listes électorales au Togo : des dysfonctionnements dès le lancement dans la zone 1

Annoncée pour ce lundi 7 avril 2025, la révision des listes électorales au Togo, censée s’ouvrir dans la zone 1, qui englobe la région Maritime et la préfecture de Haho, a démarré sur une note peu rassurante. Sur le terrain, la promesse d’une opération fluide s’est vite heurtée à une réalité marquée par des ratés techniques, un manque de coordination logistique, et une désillusion grandissante parmi les citoyens venus se faire enrôler. À Lomé, plusieurs centres ont peiné à fonctionner normalement, donnant lieu à des scènes d’attente frustrante et à des témoignages de lassitude.

Très tôt ce lundi matin, des électeurs de tous âges ont afflué vers les centres de recensement de la capitale, espérant s’enregistrer ou renouveler leur carte d’électeur. Mais à l’EPP Aflao-Gakli, l’un des plus fréquentés de Lomé, aucun des quatre kits d’enrôlement prévus n’était opérationnel à 8h30. Pourtant, les membres du Comité des listes et cartes (CLC) étaient bien présents, ainsi que les forces de sécurité pour encadrer la foule. Même tableau au CEG Avenou, où le seul kit censé désengorger le centre de Soviépé brillait par son absence à 9h, dissuadant d’éventuels électeurs de patienter davantage.

D’autres centres, comme à l’EPC Adidogomé, ont reçu leurs équipements dès 5h du matin. Mais cette relative ponctualité logistique n’aura pas suffi : « Toutes les caméras sont défectueuses », confie un président de CLC, visiblement débordé à notre confrère Togo Scoop. Impossible donc de prendre des photos, étape indispensable à la production des cartes. Une mère de famille, bébé au dos, témoigne : « J’ai sacrifié ce temps pour venir. Mais là, je ne pense pas que je vais revenir. Avec l’enfant, je ne peux pas aller de centre en centre pour chercher où ça marche. » Cette dernière explique n’avoir pas pu participer à la précédente opération de 2023.

Une sexagénaire, quant à elle, exprime une urgence toute autre : « Je suis quatrième sur la liste, mais la caméra ne marche pas. Je ne peux pas attendre indéfiniment. » Elle explique que sa carte a été détruite dans les incendies du marché d’Agoè-Assiyéyé et qu’elle en a besoin pour accéder aux services de microfinance. Dans plusieurs autres centres comme le CEG Attikpa, même constat : les kits sont bien en place, mais aucun enrôlement n’a été réalisé à cause de problèmes de caméras. Dans des établissements comme l’EPP Adjomayi ou le Lycée Bè-Klikamé, seuls les duplicata sont délivrés — les machines étant incapables d’enrôler de nouveaux inscrits.

Au-delà des défaillances techniques, c’est également une mauvaise coordination logistique qui sème le désordre. Dans certains établissements privés ou confessionnels, les responsables n’avaient tout simplement pas été informés que leurs locaux devaient servir de centre de recensement. Dans d’autres cas, notamment dans des collèges publics, les classes de 3e ont été vidées pour accueillir les dispositifs d’enrôlement, alors même que les élèves doivent passer cette semaine leur examen de sport.

Cette opération est pourtant d’une importance capitale. Elle concerne plusieurs catégories de Togolais : ceux ayant atteint l’âge de 18 ans après la dernière révision, ceux n’ayant pu se faire recenser en 2023, ceux ayant recouvré leurs droits civiques, ceux souhaitant changer de lieu de vote ou corriger des erreurs sur leur ancienne carte, ou encore ceux voulant signaler un décès pour radiation des listes.

La révision est répartie en trois phases sur l’ensemble du territoire national. Du 7 au 9 avril pour la zone 1 (région Maritime et préfecture de Haho), du 14 au 16 avril pour la zone 2 (région des Plateaux et préfectures de Blitta, Sotouboua et Tchamba), et du 21 au 23 avril pour la zone 3 (régions des Savanes, de la Kara, ainsi que les préfectures de Tchaoudjo et Mô).

Mais les défaillances observées dès la première journée de la première phase soulèvent des interrogations légitimes. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) pourra-t-elle garantir la réussite de cette opération dans les délais impartis ? Rien n’est moins sûr, surtout si les problèmes d’équipements et de coordination perdurent. Sur le terrain, les techniciens de la CENI sont souvent introuvables lorsqu’ils sont sollicités en urgence.

Dans ce contexte tendu, plusieurs partis politiques de l’opposition, notamment le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR), l’Union des Démocrates Socialistes du Togo (UDS-Togo), le Parti Socialiste pour le Renouveau (PSR), Togo Autrement, Santé du Peuple, ou encore le parti Le Nid, montent au créneau. Dans une déclaration conjointe rendue publique la veille de l’ouverture, ils dénoncent les conditions dans lesquelles le processus électoral est lancé, estimant que tout semble être fait pour limiter la participation. Certains d’entre eux demandent d’ores et déjà une prorogation de l’opération de 10 jours pour permettre aux citoyens empêchés de se rattraper.

Alors que les élections locales sont prévues pour les mois à venir, le bon déroulement de cette révision conditionne la crédibilité du scrutin. Un démarrage chaotique n’est jamais un bon présage. Il appartient désormais aux autorités, notamment à la CENI, de rectifier rapidement le tir, sous peine de voir la situation s’éroder davantage.

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