C’est un extrait du propos du ministre Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères du Togo, à Berlin lors du Symposium marquant les 140 ans de la Conférence de Berlin. Un événement historique qui, de novembre 1884 à février 1885, a redessiné les frontières du continent africain sans que ses habitants ne soient consultés. “Le partage de l’Afrique sans l’Afrique”, thème du symposium, a résonné comme un plaidoyer sincère et poignant pour la reconnaissance des torts historiques infligés au continent africain et la nécessité d’un dialogue honnête entre l’Afrique et l’Europe.
D’entrée, Prof. Robert Dussey a rappelé la richesse incomparable de l’Afrique. Avec ses 30 millions de kilomètres carrés, ce continent, plus vaste que l’Europe, la Chine et les États-Unis réunis, regorge de ressources naturelles précieuses. Le ministre togolais énumère avec précision : 60% des terres arables mondiales, 90% des réserves de matières premières, 40% de l’or mondial, et 33% des réserves de diamants. Le coltan, essentiel pour la production électronique, et le cobalt, indispensable pour les batteries de voitures électriques, y sont abondants. Et pourtant, malgré ces richesses, c’est ce continent que l’Europe a divisé, sans tenir compte des aspirations de ses peuples, lors de la fameuse conférence de Berlin.
Faisant écho aux grands philosophes allemands, tels qu’Emmanuel Kant et Friedrich Hegel, Prof. Dussey insiste sur la nécessité de la sincérité dans les relations internationales. « La vérité, c’est l’adéquation entre un jugement et la réalité », souligne-t-il, avant d’affirmer que les décisions prises à Berlin, il y a plus d’un siècle, continuent d’avoir des répercussions dramatiques sur le continent africain. Il dénonce les frontières arbitraires imposées par les puissances coloniales, responsables de conflits interethniques et étatiques qui perdurent jusqu’à ce jour.
Le ministre n’a pas manqué de rappeler que la colonisation n’était pas simplement une domination politique, mais aussi un crime contre l’humanité. La brutalité des colonisateurs européens, exprimée par des violences sexuelles, des massacres, et des déportations de résistants, a laissé des cicatrices profondes. « En Afrique, avant l’esclavage, la vie des africains était assez similaire à celle des européens » déclare t-il. Il cite Aimé Césaire et Frantz Fanon, deux voix majeures de la pensée décoloniale, pour condamner la « déshumanisation » subie par l’Afrique et les faux prétextes de la mission civilisatrice avancés par l’Europe.
Pour Robert Dussey, la Conférence de Berlin demeure une blessure ouverte, et l’Europe, bien que ne portant plus le casque colonial, conserve encore une tête coloniale dans ses relations avec l’Afrique. Il appelle à une véritable réconciliation, fondée sur la vérité historique et la reconnaissance des erreurs du passé. Pour lui, cela passe également par une réforme des institutions internationales, notamment le Conseil de sécurité des Nations Unies, où l’Afrique est encore marginalisée malgré ses appels récurrents à une place plus juste.
Le ministre togolais conclut avec force : « Nous devons, ensemble, œuvrer pour que l’histoire ne se répète pas. L’Afrique mérite sa place légitime dans le concert des nations et doit être considérée comme une partenaire à part entière, non comme une terre d’influence. »
Avec cette intervention, S.E. Prof. Robert Dussey a rappelé l’urgence de repenser les relations afro-européennes, non pas à travers le prisme du passé colonial, mais en regardant vers un avenir partagé, où respect, équité et justice guideront les décisions à venir.