Table ronde sur les engrais et sols : A Lomé, l’Afrique veut relever le défi de “cultiver l’avenir en nourrissant les sols’’

Une table ronde sur les engrais et la santé des sols s’est ouverte à Lomé du 30 au 31 mai 2023. Cette rencontre placée sous le thème, “cultiver l’avenir en nourrissant les sols » se situe dans le cadre du prochain sommet en juillet à Dakar au Sénégal. La rencontre a été présidée par le ministre togolais de l’agriculture, Antoine Lekpa Gbegbéni.

Cette rencontre de haut niveau sur la problématique des engrais et la santé des sols en Afrique de l’ouest et au sahel, a réuni des décideurs, ministres de l’agriculture et des finances des régions susmentionnées, ainsi que des institutions régionales et internationales.
Organisée sous le haut patronage du chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé et de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) avec l’appui de la Banque mondiale, la table ronde vise notamment à convenir des engagements à prendre et des mesures à mettre en œuvre pour la mise en place d’un système durable et compétitif de production et d’approvisionnement des producteurs en ouest africains en engrais de bonne qualité, à des prix compétitifs et en temps opportun.

Dans un contexte de crise mondiale, aux causes et aux conséquences multiples, les destins de l’agriculture, de la sécurité alimentaire, et du développement en Afrique de l’Ouest et au Sahel sont étroitement liés, alors que la filière des engrais est au cœur du problème, mais aussi de la solution.

La crise mondiale actuelle, qui est le résultat de différents chocs et de différents bouleversements, impacte sévèrement la sécurité alimentaire et nutritionnelle, tout particulièrement en Afrique de l’Ouest. Dans cette région, souligne une note publiée par la Banque mondiale, la Cédéao et l’IFCD, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë a augmenté de 40% au cours de la dernière année seulement.

Si des mesures appropriées ne sont pas rapidement prises, ce sont 44,8 millions de personnes qui pourraient se retrouver en situation d’insécurité alimentaire entre juin et août 2023. Afin de faire face à cette crise alimentaire et nutritionnelle, le secteur agricole a, plus que jamais, un rôle stratégique et majeur à jouer et, si les défis sont importants, les potentialités de développement sont bien réelles.

Avec plus de 30 % du PIB de la région provenant de l’agriculture et plus de 55 % de sa population vivant dans les zones rurales, le secteur agricole joue un rôle capital en Afrique de l’Ouest, tant au niveau de l’emploi que par sa capacité à produire la nourriture nécessaire pour alimenter sa population.

L’agriculture représente actuellement la principale source de revenus de 80% de la population rurale et emploie près de 46% en moyenne (2010-2020) de la main-d’œuvre de la région. En ce qui concerne sa capacité à subvenir aux besoins alimentaires de sa population, elle possèderait même le potentiel pour nourrir ses 418 millions d’habitants.

Le développement du secteur agricole dans la région est fortement entravé par la mauvaise santé de sols, caractérisée par leur carence en nutriments, elle-même liée à un déficit d’apport en engrais. La crise mondiale de la filière des engrais, exacerbée par la guerre en Ukraine, la pandémie de COVID-19, ainsi que la crise énergétique, a considérablement amplifié ce déficit, notamment en Afrique de l’Ouest et au Sahel.

A l’ouverture de la rencontre, le ministre togolais de l’Agriculture, Antoine Lekpa Gbégbéni a reconnu que « l’utilisation suffisante et optimale des engrais est essentielle pour développer notre secteur agricole, mais malheureusement nous en sommes loin. L’utilisation des engrais est encore à des niveaux bas, très éloignés des objectifs adaptés de 50kg de nutriments par hectare ».

« Au niveau mondial, la demande croissante des engrais a conduit à une crise qui s’intensifie de jour en jour. Les prix, qui ont quintuplé depuis les années 2000, sont devenus prohibitifs pour les petits agriculteurs (…); en Afrique de l’ouest et au sahel, la crise est encore plus préoccupante car la dégradation des sols est plus aiguë et les niveaux de fertilité sont très faibles. Cette situation touche durement la production agricole et la subsistance des populations locales », a expliqué Mme Boutheina Guermazi, Directrice de l’intégration régionale pour l’Afrique et le moyen orient à la Banque mondiale.

Une feuille de route sur la santé des sols approuvée

A l’issue des travaux l’adoption d’une feuille de route sur la santé des sols a été approuvée par les délégations pays en présence du président Faure Essozimna Gnassingbé de la République Togolaise, du président Mohamed Bazoum de la République du Niger, et du président Umaro Sissoco Embalo de Guinée Bissau.

« Sans vision, sans stratégie, les engrais passent bien vite d’une promesse de restauration des sols à la cause de leur détérioration, » a ainsi déclaré le président de la République Togolaise, Faure Essozimna Gnassingbé. « Face à ce besoin de trouver un juste équilibre, la planification et l’implication de l’État s’imposent. C’est pourquoi je suis favorable à une planification régionale. Comme l’illustre la Feuille de Route présentée ce jour, notre vision doit être sous- régionale avant tout ».

Cette feuille de route est accompagnée d’une déclaration d’engagement en matière d’appui à la mise en œuvre d’un plan d’action décennal pour le renforcement de la filière des engrais et l’amélioration de la santé des sols en Afrique de l’Ouest et au Sahel.

La Banque mondiale a annoncé 1,5 milliard de dollars supplémentaires dans le secteur de l’agriculture d’ici 2024 – passant de 4 milliards déjà engagés et en cours de mise en œuvre à 5,5 milliards de dollars. Il s’agir d’un soutien continu aux réformes nécessaires pour l’amélioration de la santé des sols et le renforcement du secteur des engrais en matière de gestion des subventions, de contrôle de qualité et traçabilité à travers des opérations de politique de développement et des projets de production d’engrais verts. Les Pays-Bas ont également annoncé 100 millions d’euros pour soutenir le secteur en Afrique de l’Ouest au cours de la prochaine décennie.

« A travers l’adoption d’une feuille de route commune, les pays de la CEDEAO s’engagent à améliorer l’accès aux engrais minéraux et organiques des petits producteurs et productrices agricoles, en mettant l’accent sur les cultures assurant la sécurité et la souveraineté alimentaires des populations et la mise en œuvre des actions prioritaires, » a souligné Omar Alieu Touray, Président de la Commission de la CEDEAO.
Des objectifs concrets

Dans un appel à renforcer la résilience des systèmes agricoles et alimentaires, les dirigeants régionaux ont approuvé une déclaration portant sur une série d’objectifs et de mesures concrètes, à savoir :

• le triplement de la consommation d’engrais et le doublement de la production agricole d’ici 2035 grâce à l’adoption d’une approche intégrée de la gestion des terres et de la restauration de la santé des sols ;

• une amélioration urgente de l’accès aux engrais minéraux et organiques pour les petits exploitants agricoles, avec un focus sur les cultures résilientes au climat afin de garantir la sécurité alimentaire des habitants de la région ;

• l’adoption de mesures politiques visant à faciliter l’accès et l’utilisation d’engrais en éliminant les frais de douane et les taxes, en promouvant la transparence, et en développant les capacités en matière de contrôle de qualité et de traçabilité, par l’établissement du Comité ouest africain de contrôle de la qualité des engrais ;

• le renforcement des systèmes de recherche et développement dans le domaine de la gestion durable des terres, y compris par l’adoption de nouvelles technologies ;

• la promotion des investissements dans le domaine des transports, de l’expédition, et des infrastructures de stockage, ainsi que la mise en place de mécanismes de financement et de partage des risques pour les fabricants d’intrants et les distributeurs au sein de la région, avec l’appui du Groupe de la Banque mondiale (GBM), des banques régionales d’investissement et de développement (BIDC, BOAD), des banques africaines (BAD, Afreximbank) ; et

• le renforcement de la collaboration régionale pour améliorer la production, l’achat et la distribution des engrais organiques et minéraux dans l’espace communautaire par l’opérationnalisation du Mécanisme africain de financement du développement des engrais.

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