« On peut le faire arrêter car, malgré les affres du Covid-19, l’Etat et ses institutions doivent pouvoir fonctionner », répondent certaines sources autour du dossier de l’ancien premier ministre, qui revendique sa victoire à l’élection présidentielle depuis le 22 février 2020. On en est à la 3ème convocation de services de renseignements. Assez régulièrement depuis le début de la campagne électorale, des contingents militaires ont été plusieurs fois été envoyés à la trousse de cet homme qui a tout de même servi l’Etat et qu’on cherche par tous les moyens à cueillir comme un vulgaire bandit. Chars anti-émeutes, des agents des unités spéciales lourdement armés, des drones et hélicoptères, chaque manœuvre en tentatives d’arrestation de Gabriel Messan Agbeyomé Kodjo ressemble à une chasse aux narcotrafiquants dans des films western.
L’ultime convocation
Le président du Mouvement Patriotique pour la Démocratie et le Développement (MPDD) a reçu une 3ème convocation qualifiée d’ultime pour le mardi 21 avril dernier avec à l’appui, un impressionnant dispositif militaire dans son quartier depuis lundi soir. « La convocation ultime veut dire qu’on a reçu deux premières convocations non honorées. Et l’ultime signifie que c’est dangereux. Pour Agbéyomé, les deux premières convocations ne sont pas refusées. Il ne s’est pas fait représenter non plus. Il a un souci de santé, ses avocats se sont présentés devant le procureur de la République et le SCRIC (Ndlr : Service Central de Recherches et d’Investigations Criminelles) pour leur expliquer avec certificat médical à l’appui que leur client invité ne peut pas se déplacer », explique Me Agbogan. On ne peut donc pas interpréter l’attitude de M. Agbéyomé Kodjo comme un refus de comparaître comme l’estiment certains. Y-aurait-il donc lieu d’interpréter son attitude comme un défi à l’autorité publique?
Agbéyomé Kodjo: un opposant pas comme les autres?
En pleine crise de la maladie à Coronavirus, la politique togolaise fonctionne à 100% de son potentiel : Résultats définitifs de l’élection présidentielle, lettres de félicitations et validation diplomatiques du 4ème mandat du chef de l’Etat, rétention des cautions des candidats aux élections, règlement de comptes… « Il est inadmissible que pour des motifs tirés des propos et actes de campagne de l’un des protagonistes du scrutin (présidentiel du 22 février 2020, NDLR), l’honorable Gabriel Kodjo, sa maison soit séquestrée par les forces de sécurité et qu’une procédure soit enclenchée afin de lever son immunité parlementaire avec l’intention manifeste de le faire incarcérer après une parodie de procès », dénonçait le Comité d’Action pour le Renouveau CAR début mars alors même que le feuilleton prenait de l’ampleur avec le projet de levée de l’immunité du député.
C’est un secret de polichinelle qu’au Togo les accusations libellées en “ troubles aggravés à l’ordre public, atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, diffusion de fausses nouvelles et de dénonciations calomnieuses…” sont parfois d’une coloration politique et président à liquider un adversaire qui encombre.
En tous cas, une théorie semble probablement se confirmer: Agbéyomé Kodjo si ferme et serein face à l’armée qui défile autour de son domicile et le surveille sans cesse, ne semble pas être un adversaire politique comme les autres. En témoignent les innombrables tentatives d’arrestations avortées, objet d’une certaine faiblesse du pouvoir qui sent le besoin pressant de vider ce dossier mais embêté par quelque chose que l’on ignore. Quand on sait quelle armada militaire est souvent mobilisée pour l’arrestation de l’ancien ministre de l’Intérieur, on comprend que ce n’est pas en face, une force militaire, ni une mobilisation populaire des populations qui feraient obstruction. Certainement des pressions diplomatiques.
Agbéyomé Kodjo arrêté : est-ce la fin du feuilleton ?
Comme un film hollywoodien, les togolais ont assisté au déploiement armé qui a réussi à défoncer la porte du député avant d’aller l’arracher à son domicile. Après plusieurs tentatives depuis la campagne électorale, cette fois aura été la bonne. Ancien directeur général du port autonome de Lomé, ministre de l’Intérieur, député et président de l’Assemblée nationale, Agbéyomé Kodjo a le profil d’un homme qui a consacré sa vie tout de même au service d’une Nation. Mais ce n’est pas tout. Il a fait par deux fois de suite la prison et pour les deux fois, sa culpabilité n’a pas été prouvée par la justice. A ses proches, l’homme raconte ses rapports tendus avec la politique et indique les impacts des balles sur les murs de sa maison. “Je n’ai plus peur de rien”, lance-t-il à chaque fois que l’occasion lui est donnée.
« Ce n’est pas dans les conceptions africaines de se débarrasser de quelqu’un qui vous a été fidèle depuis longtemps », répondait Faure Gnassingbé en 2007, interrogé par le journal La Croix quant à l’opportunité de conserver dans son cercle de conseillers un homme (Charles Debbasch alias Kofi Souza) condamné par la justice française. Aujourd’hui, c’est le cas d’un togolais qui a rendu service au Togo et qui se retrouve à la croisée de démêlées politiques. L’opinion bien évidemment attend de voir si les conceptions africaines pourront prendre le pas sur la justice.