Le processus de décentralisation poursuit son bonhomme de chemin. Après la tenue de l’élection des conseillers municipaux des 30 juin et 15 août 2019, suivie de l’élection des maires, le Togo s’apprête à franchir une nouvelle étape, avec l’organisation l’année prochaine des toutes premières élections régionales qui dégageront les conseillers régionaux. La tenue de ces consultations est l’une des conséquences de la nouvelle loi sur la décentralisation et les libertés locales, adoptée le 25 juin 2019.
En effet depuis cette date, les 05 régions du pays sont non seulement passées au rang de collectivités territoriales au même titre que les communes, mais aussi désormais définies comme des « personnes morales de droit public dotées de l’autonomie financière ». Ces élections régionales permettront aux populations de choisir des conseillers régionaux, qui constitueront les différents organes des régions.
Selon l’article 236 de la loi portant décentralisation et liberté locales, le nombre de conseillers par région est fixé à vingt et un (21) pour les régions dont la population est inférieure ou égale à 1.000.000 habitants, trente un (31) pour les régions dont la population est comprise entre 1.000.001 et 1.500.000 habitants et quarante un (41) pour les régions dont la population est supérieure à 1 500 000 habitants. Ces élections régionales sont nécessaires pour constituer le collège électoral qui aura la charge d’élire les deux-tiers (2/3) des sénateurs. Ces sénateurs à leur tour choisiront les deux juges manquants de la cour constitutionnelle.
C’est donc pour planifier ces élections et avoir des propositions constructives de toutes parts qu’une réunion d’échange s’est tenue le lundi 14 décembre, avec autour du ministre d’État, ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et du développement des territoires, Payadowa Boukpessi, les responsables et représentants d’une vingtaine de formations politiques ayant pris part à l’une au moins des trois dernières élections tenues au Togo notamment les législatives de 2018, les locales de 2019 et la présidentielle de2020. Aux côtés du ministre d’État, se trouvait le ministre délégué Edjeba Essomanam, auprès du ministre d’État en charge du développement des territoires.
Dans le camp du parti au pouvoir Union pour la République (UNIR) règne la sérénité totale, à en croire Atcholé Aklesso, le secrétaire exécutif du parti. Selon lui, « le parti Unir se tient prêt à aller à ces élections », tout en poursuivant « Nous avons senti une quête permanente du gouvernement, de la part du Président de la République à rechercher l’inclusion, l’adhésion et le vivre ensemble qui constituent le soubassement même de la démocratie. Parce que notre pays le Togo a organisé des élections qui n’ont connu aucun incident, aucun problème, en passant au maître dans l’organisation d’élections pacifiques dans la sous-région ».
Les préalables au rendez-vous
Le son de cloche n’est pas le même du côté de l’opposition togolaise qui, en l’absence des partis membres de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) ayant boycotté la rencontre, espère beaucoup plus qu’une invitation. La question des préalables s’est encore invitée au menu des débats comme le confirme Patrick Lawson, représentant le parti Alliance nationale pour le changement (ANC) : « Nous ne participerons pas à des élections s’il n’y a pas des discussions préalables pour assainir le cadre électoral, pour assainir le climat politique ».
Pour le Comité d’action pour le renouveau (CAR) en passant par les Forces démocratiques de la République (FDR) l’on estime que le climat politique est assez tendu avec l’arrestation des membres de la DMK, en l’occurrence Mme Brigitte Kafui Adjamagbo et Gérard Djossou toujours en garde à vue. Pour Me Dodzi Apévon, le cadre électoral doit être définitivement assaini pour clore le sempiternel débat des élections au Togo qui débouchent sur des crises à répétitions.
Qu’est-ce qui va changer ?
Si la question du boycott de ces élections n’est plus à l’ordre du jour, les uns et les autres ayant tiré conséquences de cette position alambiquée et ambiguë, la question qui taraude l’esprit des plus avertis, est celle de savoir si l’opposition togolaise dispose-t-elle de toutes les capacités pour ces échéances à venir ? …. Où sera-t-elle encore au rendez-vous de la figuration ?
Avec plusieurs partis de l’opposition ne représentant plus que l’ombre d’eux-mêmes, y-t-il encore un espoir à se nourrir ? Avec la DMK presque décapitée avec son leader refugié dans un hypothétique champs de maïs, le parti orange d’un Jean Pierre Fabre esseulé qui a réalisé un score mythique à la présidentielle de 2020 sur les traces des cendres de l’Union des forces pour le changement (UFC), l’horizon n’est pas encore dégagée pour une opposition qui brille toujours par des guéguerres internes et les estocades que se livrent tant les leaders et militants sur les réseaux sociaux offrant ainsi un boulevard doré au parti au pouvoir qui n’est pas prêt à lâcher la moindre parcelle qui s’offre à lui permettre de garder une hégémonie au niveau de toutes les sphères de décisions politiques et d’orientation.
Nathanael Olympio, quant-à lui, ne voit aucune opportunité à travers ces élections régionales. « Réduire la démocratie qui nous manque tant à une simple question électorale, c’est mettre en péril tous ses autres attributs : liberté, droits fondamentaux des citoyens, droit de manifester, de contester les résultats électoraux, droit de s’opposer, garantie de ne pas être mis en prison pour ses opinions.(…) Êtes-vous en mesure de jouir de bonnes élections lorsque des textes iniques interdisent toute expression populaire, fut-elle pacifique ?Êtes-vous prêts à supporter une campagne électorale corsetée où les lieux de meetings vous sont acceptés ou interdits selon les humeurs du dictateur ? », interroge l’opposant togolais, selon qui, sans véritables réformes, ce sera un nouveau marché de dupes.
Alors, dans un tel contexte, si les choses ne bougent pas, il est fort à parier que les élections régionales de 2021 ne seront que du bis repetita.