Au Togo, la liberté de la presse suscite de vives préoccupations. Alors que le monde célébrait, le 3 mai, la Journée internationale de la liberté de la presse, Reporters sans frontières (RSF) a publié son traditionnel classement mondial. Le constat est sans appel : sur 180 pays évalués cette année, le Togo recule de huit places et se retrouve à la 121ᵉ position, confirmant une dégradation progressive et alarmante du climat médiatique.
Cette chute s’inscrit dans une tendance régionale plus large qui touche également des pays voisins comme le Cameroun, le Bénin ou encore le Sénégal. Pour Sadibou Marong, directeur Afrique de RSF, cette dégradation est en grande partie due à l’absence de subventions publiques transparentes et équitables, qui rend les médias vulnérables aux pressions économiques et politiques. À ses yeux, les fragilités du modèle économique des médias togolais exposent lourdement les journalistes à la censure et à l’autocensure.
Officiellement, la liberté de la presse est pourtant garantie par l’État togolais, et depuis 2004, le Code de la presse n’impose plus de peines privatives de liberté pour les délits de presse. Mais dans la réalité, ces protections légales peinent à s’appliquer efficacement. Amnesty International a récemment alerté sur les menaces pesant sur les journalistes, dénonçant des suspensions arbitraires de journaux, ainsi que des poursuites pénales pour « diffamation » ou pour diffusion de « fausses nouvelles ». Ces dérives interviennent dans un contexte politique de plus en plus tendu, marqué par des réformes institutionnelles controversées.
En 2024, Faure Gnassingbé a promulgué une nouvelle Constitution, supprimant l’élection présidentielle au suffrage universel direct au profit d’un vote parlementaire. Une réforme perçue par l’opposition comme une stratégie destinée à prolonger la domination de la famille Gnassingbé, au pouvoir sans discontinuer depuis 57 ans. Cette modification du mode de gouvernance s’est accompagnée d’une restriction sévère des libertés civiles, notamment par l’interdiction de manifestations publiques comme le dénonce une frange partie de l’opposition et des organisations de la société civile.
Dans cet environnement de plus en plus restrictif, la presse privée togolaise peine à survivre. A l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le secrétaire général du Syndicat des journalistes indépendants au Togo (SYNJIT) Narcisse Prince Agbodjan, a lancé un appel pressant en faveur d’un soutien fiscal aux entreprises de presse indépendante. Il a dénoncé une économie médiatique asphyxiée, où l’accès à la publicité est monopolisé par quelques acteurs proches du pouvoir, fragilisant la viabilité des organes de presse qui refusent de se plier aux lignes imposées.
Pour RSF, l’heure est à l’action. L’organisation appelle à une mobilisation urgente des acteurs nationaux et internationaux afin de défendre « une presse en danger ».
« Il est essentiel de mettre en place des mécanismes de soutien financier transparents pour les médias indépendants, de garantir l’application effective des lois protégeant les journalistes et de promouvoir un environnement politique respectueux des droits fondamentaux », recommande l’organisation, insistant sur l’urgence d’un changement d’approche pour éviter l’effondrement total de l’espace médiatique togolais.