Trahison ou opportunité ? : l’ANC prend une lourde décision après la nomination de Koamy Gomado au gouvernement

La nomination de Koamy Joseph Gbloekpo Gomado, maire de la commune Golfe 1 et cadre du parti d’opposition Alliance Nationale pour le Changement (ANC), au poste de ministre de l’Aménagement et du Développement des Territoires dans le gouvernement de transition du Togo, et au nom de l’inclusion, a déclenché une onde de choc. Sans surprise, cette annonce, faite le 20 août 2024, a rapidement soulevé des questions sur les motivations de Gomado et les répercussions potentielles sur l’unité de son parti.

Confusion et révélation

À l’annonce du remaniement, la confusion a d’abord régné au sein de l’opinion publique. En effet, deux figures politiques partageant le même nom de Gomado étaient sur toutes les lèvres : Koamy Joseph Gbloekpo Gomado, maire de Golfe 1 et membre de l’ANC, et Kwami Gomado, comptable et suppléant lors des législatives d’avril 2024 sous la bannière de l’Union pour la République (UNIR). Ce n’est que lorsque le maire Gomado lui-même a confirmé sa nomination qu’il est apparu clairement que c’était bien lui qui rejoignait le gouvernement.

Répercussions au sein de l’ANC

Au sein de l’ANC, les réactions à cette nomination ont été immédiates et tranchées. Pour nombre de militants et de cadres du parti, cette décision de Gomado de rejoindre le gouvernement de UNIR, le parti au pouvoir, a été perçue comme une trahison pure et simple. Le communiqué officiel de l’ANC, diffusé au lendemain de la nomination, ne laisse aucune place à l’ambiguïté. Le parti y exprime sa « déception » et sa « condamnation » face au comportement de celui qui, selon ses termes, « a succombé au chant des sirènes en rejoignant le camp de l’oppresseur ».

L’ANC a également pris une mesure disciplinaire immédiate en suspendant Koamy Gomado de toutes ses fonctions au sein du parti, en attendant les résultats d’une procédure disciplinaire pour faute lourde. Pour l’ANC, cette nomination relève « entièrement de l’initiative et de la responsabilité individuelles, personnelles et solitaires de l’intéressé », et ne saurait en aucun cas engager le parti dans cette entreprise.

Une fracture idéologique

La nomination de Gomado au gouvernement pose également une question plus large sur les lignes de fracture idéologique au sein de l’opposition togolaise. Pour un parti comme l’ANC, qui a fait de la résistance contre le régime en place son cheval de bataille, l’acceptation d’un poste ministériel sous l’égide du parti UNIR représente une rupture nette avec les principes de lutte qui ont guidé ses actions. Le communiqué du parti souligne que « l’ANC n’est concernée en aucune manière, ni de près ni de loin, par cette nomination », soulignant ainsi la volonté de se distancer de toute forme de collaboration avec le pouvoir actuel.

Une opportunité pour Gomado ?

Cependant, certains observateurs pourraient voir dans cette nomination une opportunité stratégique pour Gomado. En rejoignant le gouvernement, il se positionne potentiellement comme un acteur clé capable de faire avancer certaines causes locales ou de plaider pour des projets d’aménagement et de développement dont il connaît les enjeux en tant que maire. Mais cette opportunité se fait au prix d’un lourd sacrifice : celui de son appartenance à l’ANC et de sa crédibilité auprès des militants de l’opposition.

Une sanction prévisible ?

La situation de Gomado révèle aussi un paradoxe auquel sont confrontés de nombreux partis d’opposition dans des contextes autoritaires ou semi-autoritaires : comment naviguer entre la tentation de participer à des instances de pouvoir pour en tirer des bénéfices concrets et la nécessité de maintenir une ligne dure contre le régime en place ? Pour l’ANC, la réponse semble claire : toute collaboration avec le “RPT/UNIR” est une trahison de la cause commune.

Un avenir incertain pour Gomado

Alors que l’ANC annonce l’ouverture d’une procédure disciplinaire qui pourrait aboutir à l’exclusion définitive de Gomado du parti, ce dernier se retrouve dans une situation délicate. S’il choisit de rester au gouvernement, il devra assumer son choix et faire face à l’ostracisme de son ancien camp. S’il décide de revenir sur sa décision, il risque d’être perçu comme indécis et opportuniste. Quelle que soit l’issue, cette nomination-éclair a d’ores et déjà bouleversé la scène politique togolaise et pose la question de la fidélité aux idéaux dans un contexte où les pressions et les tentations sont omniprésentes.

Koamy Joseph Gbloekpo Gomado, en un acte, a redéfini sa carrière politique, mais reste à voir s’il en sortira renforcé ou affaibli. Pour l’instant, l’ANC a clairement choisi son camp : celui de la résistance intransigeante, quitte à sacrifier un de ses cadres les plus en vue.

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