GREVES REPETITIVES DES ENSEIGNANTS: Quelle formule magique pour sauver le secteur de l’éducation nationale ?

Dans bien de pays africains comme le Togo et ce depuis des décennies, les gouvernants   évaluent le secteur de l’éducation nationale par les chiffres, les statistiques en termes de taux de scolarisation globale, taux de scolarisation de la jeune fille, nombre d’écoles construites, montant du budget alloué etc. Ce sont là, des indicateurs importants à partir desquels les partenaires financiers peuvent ou non, continuer de financer et d’accompagner les Etats dans l’ensemble de leurs politiques de gouvernance voire leur maintien ou non au pouvoir. C’est ainsi qu’on compte le nombre le taux de scolarisation sans mettre en exergue la qualité et l’actualité des enseignements dispensés, on brandit la part de budget alloué par l’Etat à l’éducation nationale sans se préoccuper de ce que cela représente réellement en termes de coût pour chaque enfant scolarisé, ou encore la qualité des infrastructures dans lesquelles élèves et enseignants travaillent. Que vaut l’éducation dans un pays frappé par des grèves perpétuelles d’enseignants à chaque rentrée scolaire depuis plusieurs décennies?

Selon le premier responsable national de la fédération des syndicats de l’éducation nationale (FESEN), la grève de 72 heures co-initiée avec la coordination des syndicats de l’éducation du Togo (CSET), démarrée le lundi 16 novembre soit 2 semaines après la reprise des cours, a été suivie à 90%. De 2012 à nos jours, le disque semble être le même, et les enseignants semblent n’avoir obtenu que des promesses sur leur plateforme revendicative. Si en temps normal les lignes n’ont pas bougé, les syndicats d’enseignants n’ont aucune intention d’obtempérer malgré la crise de la Covid-19 qui vient rendre particulière difficile cette  rentrée 2020-2021 avec des nécessités d’investissements supplémentaires par le gouvernement pour aider au respect des mesures barrières contre la pandémie.

Des chiffres en preuve de la bonne foi de l’Etat?

Selon la présidence de la République, les ressources publiques consacrées au secteur de l’éducation en 2019, s’élevaient à 174 milliards FCFA, contre 25 milliards FCFA en 2005. Une augmentation de 620% sur les 15 dernières années. Alors que les syndicats enseignants ne reculent pas, le gouvernement fait comprendre que sur le budget de l’Etat 2021, le secteur de l’éducation tient 25,1% de la part allouée aux ministères et institutions soit l’équivalent de 195,5 milliards de F CFA. Ainsi, le gouvernement réaffirme son attachement et la consécration de l’actuel mandat aux secteurs sociaux notamment les soins pour tous, tout comme l’éducation.

Au-delà des chiffres

 Pour l’année scolaire 2020-2021, le ministère des enseignements primaire, secondaire, technique et de l’artisanat a annoncé 2,6 millions d’élèves inscrits. Pour un budget de 195,5 milliards, une élève coûte approximativement 75 000 cfa à l’Etat au titre de l’année en cours soit 114€ environ. Or, ces dépenses sont pour la plupart, des investissements dans des infrastructures qui demeurent d’une vétusté criarde ou encore inexistantes dans plusieurs contrées à l’intérieur du pays, même si Lomé n’est pas du reste. Il est clair que faute d’investissements depuis la base et ce durant de longues années, le secteur a accusé un manque d’investissements qui a cumulé les besoins et tout est devenu urgent de nos jours, ce qui met l’Etat dos au mur face à la perte de patience des enseignants. Aussi, les 195,5 milliards ne seront consacrés qu’aux écoles et aux élèves. Les enseignements techniques, les centres de formations et l’artisanat devront tous y trouver pour leur compte. Voilà donc pourquoi ça devient compliqué d’y trouver juste 2 milliards pour la revalorisation des salaires des enseignants comme le gouvernement lui-même l’avait promis avant d’aborder la question du statut particulier des enseignants.

Gouvernement aux promesses de Gascon ou enseignants, insatiables?

Dans l’opinion, d’aucuns estiment que malgré les difficultés du gouvernement à satisfaire de façon exhaustive les revendications des enseignants, il faut compter les efforts qui ont été faits et donner un peu de répit à l’Etat surtout en cette période spéciale de Covid-19. Selon les confédérations syndicales, les revendications sont simplement des réclamations des promesses de l’Etat obtenues à la suite d’interminables grèves à l’affût de manifestations sanglantes et que la bonne foi de l’Etat devrait simplement se traduire par le respect de la parole donnée.  

« Le protocole d’accord que nous avons signé en 2018 a apporté l’accalmie dans le secteur. Même si ce n’est pas trop gros, il faut quand même reconnaître que cela a apaisé les cœurs. Mais aujourd’hui, on nous dit qu’il faut en faire une relecture. C’est-à-dire que certains avantages devraient être revus à la baisse. Donc nous sommes contre cette relecture » déplore Houssimé Sénon responsable de la FESEN avant de rappeler qu’aujourd’hui, «vous n’êtes pas sans savoir que depuis que nous avons fait la rentrée, il y a deux semaines, aucun crédit de fonctionnement n’est envoyé aux établissements, surtout les établissements primaires et préscolaires où les frais scolaires sont rendus gratuits et par rapport à cela, on a besoin de crédits pour le fonctionnement de ces établissements. On a envoyé deux boîtes de craies par endroit, une boîte de craies de couleurs. Mais si vous êtes par exemple 20 dans l’établissement comme enseignants, combien de bâtons de craies vous pouvez utiliser dans la journée ? Et c’est pour combien de temps ? », Interroge-t-il.

Si tant est qu’il y a la volonté politique, est-ce vraiment impossible de travailler à passer une seule année scolaire sans grèves ni remous? La question taraude tous les esprits et d’aucuns se demandent, s’il ne serait pas mieux de mettre la gratuité de l’enseignement au frigo en attendant? Ceci devrait au moins permettre à certains établissements publics de gérer leurs besoins en matériels didactiques et autres, pendant que l’Etat consacre sa petite énergie aux infrastructures et aux enseignants car, trop c’est trop et comme le disait le Prof.  Dodji Kokoroko, « il n’y a pas de solution miracle ».

A. Lemou

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *