Le 8 février 2024, le président béninois, Patrice Talon, s’est exprimé devant la presse, abordant divers sujets d’actualité nationale et internationale. Lors de cet événement rare, il a partagé sa vision sur des questions allant de la révision constitutionnelle à la situation politique au Sénégal, en passant par des enjeux tels que la mise à la retraite d’office de certains officiers de l’armée et les sanctions imposées par la CEDEAO au Niger.
À l’opposé de « certains » de ses homologues de la sous-région et même de l’Afrique francophone, Patrice Talon s’est positionné contre la révision de la Constitution béninoise. Il a affirmé avoir communiqué son refus aux différents partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, marquant ainsi une divergence significative avec la tendance régionale.
La question de la révision constitutionnelle a été ravivée suite à une décision de la Cour constitutionnelle ordonnant un réajustement du calendrier des élections générales de 2026. Cette décision visait à rétablir l’équité du pouvoir de parrainer, en particulier pour les maires. Patrice Talon propose une alternative, suggérant aux parlementaires d’inverser l’ordre des élections, plaçant la présidentielle de 2026 avant les élections législatives et communales. Cette proposition pourrait permettre aux députés et maires en fonction de parrainer les candidats à la présidentielle de la même année, impliquant éventuellement une légère réduction de la durée des mandats en cours.
Sur les pas de Faure Gnassingbé
Sur le front international, le président Talon plaide pour la levée des sanctions imposées par la CEDEAO au Niger alors qu’autrefois, le Bénin avait opté pour la fermeté et se disait « résolu à s’aligner scrupuleusement sur les décisions de la Cedeao », dont il est membre. Aujourd’hui, il estime que la CEDEAO, bien qu’ayant joué son rôle, devrait désormais prendre acte de la situation au Niger, lever les sanctions et engager des discussions avec les autorités en place. Cette déclaration contraste avec les mesures strictes prises par le Bénin précédemment, marquant un changement d’approche en faveur de la normalisation des relations avec les voisins du Sahel. Depuis août 2023, la frontière sud du Niger, qui sépare le pays du Nigeria et du Bénin, est fermée, conséquence des sanctions que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a imposées à Niamey au lendemain du putsch qui a renversé le président Mohamed Bazoum. Cette nouvelle approche de Patrice Talon s’aligne désormais à celle adoptée depuis des lustres par Faure Gnassingbé qui n’a pas accepté respecter les sanctions de la CEDEAO à l’endroit du Niger après le putsch de juillet dernier.
Faure Gnassingbé, un acteur singulier mais efficace
Faure Essozimna Gnassingbé, le président togolais, adopte une approche distinctive dans ses relations avec les régimes militaires de Bamako, Ouagadougou et Niamey. Alors que certains dirigeants civils de la CEDEAO préfèrent adopter une posture ferme, parfois avec un succès mitigé, Gnassingbé privilégie le dialogue avec les putschistes, endossant simultanément les rôles de médiateur, de partenaire et de conseiller pour les chefs d’État en treillis. Une approche qui suscitait des réserves à Cotonou peut-être même aujourd’hui encore.
Faure Gnassingbé se distingue par sa volonté de négocier et de dialoguer avec les régimes militaires en place, une position qui tranche avec la posture plus combative de certains de ses pairs au sein de la CEDEAO. Alors que d’autres leaders civils adoptent des positions plus intransigeantes, Faure Gnassingbé se positionne en tant que médiateur, cherchant des solutions par le dialogue plutôt que par la confrontation.
Le président togolais s’est engagé à jouer un rôle actif dans la recherche de solutions pacifiques et durables aux crises politiques au Mali, au Burkina Faso et au Niger. En agissant comme médiateur, partenaire et conseiller, le N°1 togolais tente de créer un espace de discussion propice à la résolution des conflits et au rétablissement de la stabilité politique.
Le Bénin plaide pour la levée des sanctions contre le Niger
La situation économique complexe résultant des sanctions a des implications significatives pour le Bénin, notamment en termes de baisse des revenus portuaires. La levée de la suspension des importations en décembre dernier a été un premier pas vers l’apaisement, signalant une volonté du Bénin d’aller plus loin pour sortir de la crise régionale. Patrice Talon a déclaré vouloir « rétablir rapidement les relations » entre le Bénin et ses voisins qui ont connu des coups d’État. Le président béninois a affirmé qu’il y avait « un temps pour condamner, un temps pour exiger et un temps pour faire le point et prendre acte », évoquant notamment le Niger où le président Bazoum a été renversé en juillet.
Dans ce sens, face à la presse, Patrice Talon a annoncé avoir également entamé des échanges avec ses homologues de la sous-région, exprimant son espoir que les sanctions contre le Niger seront levées à court terme. Cependant, le Bénin n’envisage pas de prendre des mesures unilatérales de réouverture des frontières avec le Niger en violation des sanctions de la CEDEAO.
Le Niger, mais aussi le Burkina Faso et le Mali
En abordant la sortie du Niger, du Burkina Faso et du Mali de la CEDEAO, décidée fin janvier, Patrice Talon a exprimé des regrets, soulignant l’importance de l’intégration régionale. Il estime qu’il est nécessaire de partager des réflexions avec les pairs sur certains aspects des missions de la CEDEAO.
« J’ai parlé à un des trois présidents. Je lui ai dit : les peuples ne nous ont pas élus pour les diviser. Nous, nous sommes de passage, les peuples sont éternels. Ce n’est parce que les chefs d’État ne s’entendent pas sur l’attitude à avoir par rapport à un problème qu’il faut casser l’idéal. La volonté des peuples est de s’intégrer » a déploré Patrice Talon devant la presse.
Enfin, bien qu’il n’ait pas été directement interrogé sur le sujet, Patrice Talon a commenté brièvement et façon ramassé la crise politique au Sénégal, après le report de l’élection présidentielle par Macky Sall, qualifiant les récents événements qui se sont déroulés et continuent de se dérouler de “regrettables”. “Ce qui se passe au Sénégal est regrettable”, a commenté Patrice Talon.