Ce mercredi 31 mai 2023, les regards des acteurs du développement agricole et économique de la sous région étaient tournés vers la capitale togolaise. Pour cause, la tenue d’une Table Ronde Internationale sur les engrais et la santé des sols en Afrique de l’Ouest.
Placée sous le thème «cultiver l’avenir en nourrissant les sols», cette rencontre d’envergure a rassemblé les représentants de 17 pays et intervient à un moment crucial où la libéralisation du secteur des engrais au Togo bat son plein.
Revisiter les actions prioritaires liées au renforcement des institutions et des capacités humaines pour garantir une gestion durable des engrais et la santé des sols, telle a été la vision principale de la Table Ronde de Lomé.
Quelques heures avant les travaux de la présente Table Ronde, une tribune signée par le Chef de l’État togolais, Faure Essozimna Gnassingbé et le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, Ousmane Diagana a été publiée par le média Jeune Afrique liant la survie des populations ouest Africaines et l’agriculture ainsi que la sécurité alimentaire.
” La santé des sols et la question des engrais sont au cœur du problème, mais aussi de la solution. Alors que plus de 41 millions de personnes en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale souffrent déjà d’insécurité alimentaire et nutritionnelle sévère, l’accès à la nourriture est problématique pour les populations les plus vulnérables, avec une inflation à deux chiffres des prix de la plupart des denrées alimentaires de base.”, soulignent les auteurs de ladite tribune.
Au premier trimestre de l’année 2022, la flambée des prix des denrées et des engrais avait atteint un pic favorisant l’insécurité alimentaire. En effet, l’onde de choc de la pandémie de Covid-19, les conséquences de la guerre en Ukraine, et les faibles performances du secteur agricole, directement liées à l’augmentation significative du prix des engrais, sont les causes principales de cette insécurité alimentaire et le changement climatique ainsi que le manque de mécanisation des cultures sont également des facteurs aggravants, ont-ils soutenu.
Briser le cycle de paupérisation
Dans leur analyse de la situation alimentaire dans la sous-région, le Président Faure Gnassingbé et le cadre de la Banque mondiale inscrivent les problèmes d’accès aux engrais, l’appauvrissement des sols, et la chute des rendement dans le cycle de paupérisation qu’il faut nécessairement briser dans ce sens que le secteur agricole fournit directement ou indirectement près de deux tiers des emplois.
Pour ce faire, la tribune estime que les solutions passent d’abord par une amélioration générale de l’accès à des engrais de qualité, nécessitant un renforcement de la filière régionale à différents niveaux, tels que l’augmentation substantielle de la production régionale d’engrais organiques et minéraux, afin de réduire les dépendances.
Cela implique aussi l’amélioration des infrastructures de stockage et de transport ainsi que le renforcement du cadre règlementaire pour faciliter la circulation des engrais et leur disponibilité à des coûts accessibles au profit des petits agriculteurs.
Ces solutions passent également par la mise en place de pratiques agricoles améliorées, incluant l’utilisation efficiente des engrais, soutenues par des services de vulgarisation renforcés et capitalisant sur les avancées de la recherche. Cette tribune propose finalement la mise en place de mécanismes d’appui technique et financier aux agriculteurs afin de les aider à restaurer la santé et la fertilité de leurs sols.
Une feuille de route : l’approche régionale
À l’issue de la réunion du mercredi, une feuille de route sur la santé des sols suivie d’une déclaration d’engagement ont été adoptée par les délégations pays en présence du Président Faure Essozimna Gnassingbé et de ses homologues de la Guinée Bissau et du Niger. L’objectif de ces mécanismes est l’engagement des différents acteurs participants à améliorer l’accès aux engrais, tout en mettant l’accent sur les cultures assurant la sécurité et la souveraineté alimentaires des populations et la mise en œuvre des actions prioritaires.
Dans cette feuille de route, les chefs d’État et ministres d’Afrique de l’Ouest ont affirmé leur engagement en faveur d’une accélération des investissements et des réformes pour rendre les engrais plus accessibles et plus abordables.
Pour le chef de l’Etat togolais, sans vision, sans stratégie, les engrais passent bien vite d’une promesse de restauration des sols à la cause de leur détérioration.
” Face à ce besoin de trouver un juste équilibre, la planification et l’implication de l’État s’imposent. C’est pourquoi je suis favorable à une planification régionale. Comme l’illustre la Feuille de Route présentée ce jour, notre vision doit être sous-régionale avant tout “, a déclaré Faure Gnassingbé.
A l’issue de la rencontre, les chefs d’industrie et les partenaires de développement de l’Agence Régionale pour l’Agriculture et l’Alimentation en Afrique de l’Ouest (ECOWAP en anglais) ont réaffirmé leurs appuis pour une approche innovante et intégrée de la gestion durable de la fertilité des sols.
La présente Table Ronde Internationale a été organisée par la Banque mondiale en collaboration avec la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO).
Pour sa part, le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Ousmane Diagana a affirmé qu’en faveur des pays membres de la CEDEAO et avec les partenaires au développement, ” la Banque mondiale s’engage à accroître leur soutien financier et technique pour une agriculture résiliente porteuse de développement durable et créatrice d’emplois. Nous travaillons avec les institutions africaines pour promouvoir la santé des sols et lutter contre l’insécurité alimentaire “.
À ce titre, la Banque mondiale a annoncé 1,5 milliard de dollars supplémentaires dans le secteur de l’agriculture d’ici 2024 passant de 4 milliards déjà engagés et en cours de mise en œuvre à 5,5 milliards de dollars.
Ce fond constitue un soutien continu aux réformes nécessaires pour l’amélioration de la santé des sols et le renforcement du secteur des engrais en matière de gestion des subventions, de contrôle de qualité et traçabilité à travers des opérations de politique de développement et des projets de production d’engrais verts.
Les Pays-Bas ont également annoncé 100 millions d’euros pour soutenir le secteur en Afrique de l’Ouest au cours de la prochaine décennie.
Le président de la commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray rassure qu’à travers l’adoption d’une feuille de route commune, les pays de la CEDEAO s’engagent à améliorer l’accès aux engrais minéraux et organiques des petits producteurs et productrices agricoles, en mettant l’accent sur les cultures assurant la sécurité et la souveraineté alimentaire des populations et la mise en œuvre des actions prioritaires.